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Page:Du halde description de la chine volume 3.djvu/268

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d’avoir bien fait leur personnage, quand on leur donne quelque chose ; et qui, quand ils n’obtiennent rien, regardent les gens de travers, et quelquefois éclatent en malédictions et en injures : je les juge indignes de compassion, et je crois qu’on n’en doit faire aucun cas. Car pourquoi un honnête homme se retranchera-t-il sa dépense, pour fournir aux débauches de ces charlatans ?


Libéralité d’un mandarin pour les pauvres.


Lo ouey te étant en charge à Nin koué, alla un soir souper chez un magistrat supérieur qui l’avait invité. Celui-ci remarquant sur son visage une joie extraordinaire, en voulut savoir la raison. Je vous avouerai franchement, dit Lo, que j’ai eu une vraie satisfaction ; il s’est présenté à moi une quinzaine de pauvres gens, qu’une année de stérilité a obligé de quitter leur village pour chercher ailleurs de quoi vivre. Je leur ai distribué tout ce que j’avais amassé des épargnes que j’ai faites depuis que je suis en charge, pour les mettre en état de retourner chez eux, et d’y labourer leurs terres ; et je l’ai fait avec joie. Mais ce qui m’a causé un plaisir bien plus sensible, c’est que de toute ma famille, et parmi un assez bon nombre de mes parents qui ont été témoins de ma libéralité, il ne s’est trouvé personne qui ait eu la pensée de désapprouver cette action de charité ; tous au contraire en ont paru fort contents. Voilà ce qui me cause la joie dont vous vous êtes aperçu.


Exemple de modestie et de pudeur.


Le quartier de Tai yuen[1] étant fort peuplé, on cherchait à ménager le terrain ; c’est pourquoi, après avoir mis les morts dans un cercueil, on avait coutume d’en laisser plusieurs sans les inhumer. Tun y s’y étant rendu en qualité de gouverneur, chargea ses officiers subalternes de recueillir ceux des cercueils et des cadavres, qui n’étaient pas encore tout à fait en poussière ; et séparant[2] ceux des hommes de ceux des femmes, il les fit enterrer dans deux grandes fosses distinguées. Il ordonna que dans tous les environs on en usât de la sorte ; qu’on comptât combien de mille on mettait en chaque fosse, et qu’on le marquât sur une pierre, y gravant aussi le jour, le mois, et l’année.


Autre exemple.


Un lettré nommé Kin, à l’âge de 50 ans, n’avait point encore eu d’enfants. Une année qu’il tenait école dans un endroit nommé Kin tan, assez loin de Tching kiang, lieu de sa demeure, sa femme acheta une jeune

  1. Capitale de la province de Chan si.
  2. On peut juger par cela combien les Chinois sont aisés à se scandaliser sur les assemblées d’hommes et de femmes.