Page:Du halde description de la chine volume 3.djvu/277

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passer par un autre endroit : tu as grand tort. Sa femme qui l’entendit se plaindre ainsi de soi-même, fut curieuse d’en savoir la raison. Il ne répondit pas d’abord : mais tout occupé de ce qui l’affligeait ; non, disait-il, non encore une fois, tu ne devais point passer par là. Enfin sa femme le pressant de dire ce qui le chagrinait si fort : C’est, répondit-il, que j’ai vu par hasard cette pauvre parente, qui cachait de la soie pour la voler. Je ne lui en ai rien témoigné ; mais elle se sera bien doutée que je l’ai aperçue, et quoique je sois sorti à l’instant, j’ai entrevu l’embarras où je l’ai mise. J’aurais bien voulu la rassurer par quelque bonne parole ; mais j’ai eu peur d’augmenter sa confusion. Si je n’avais point passé par là, je lui aurais épargné cette honte, et à moi le chagrin que cela me cause, d’autant plus que je n’y vois pas de remède. Le remède est fort aisé, reprit sa femme ; ne vous affligez pas davantage. Attendez qu’elle rende compte de son travail ; et quand je vous le ferai voir, elle étant à portée de vous entendre, louez ce travail, et témoignez qu’étant fort à votre gré, vous souhaitez que je lui donne au-delà du prix ordinaire. Si vous en usez de la sorte, elle sera guérie de sa honte, et demeurera persuadée que vous n’avez pas aperçu son vol. Tchin kong ngan trouva l’expédient fort bon, et se consola de son aventure.


Tendresse d’un fils pour sa mère absente.


Pao mong suen ayant une charge dans un endroit où il arriva une méchante affaire, fut envoyé par punition avec plusieurs de ses collègues, pour faire travailler aux digues du fleuve Hoang. Sa mère âgée de quatre-vingt ans, demandait souvent de ses nouvelles ; et pour ne la pas affliger, on lui répondait toujours d’une manière à lui faire concevoir que son fils était en charge. L’inquiétude du fils pour sa mère, ne cédait en rien à celle qu’avait la mère pour son fils. A chaque paquet que ses domestiques lui apportaient, il commençait par demander au porteur, si elle était en parfaite santé ? Si on lui répondait qu’elle se portait bien ; il laissait là le paquet sans l’ouvrir : Bon, disait-il, me voilà content ; je sais que ma mère est en bonne santé ; le reste ne vaut pas la peine de me distraire de cette agréable nouvelle.


Femme renvoyée par son mari, pour l’avoir porté à se séparer de ses frères.


Dans une famille nommée Li, six frères vivaient tous ensemble : leur petit bien et leur dépense étaient en commun, et il n’y avait pas d’union plus grande. La femme d’un des cadets prenant un jour son mari en particulier : Nous vivons, dit elle, bien pauvrement ; le moyen de demeurer longtemps dans un si triste état ? J’ai en mon particulier quelque argent ; croyez-moi : faisons bande à part. Li tchong son mari faisant semblant d’agréer la proposition : Il faut donc, dit-il, préparer un repas, et faire selon la coutume une assemblée de parents, pour délibérer là-dessus. La femme qui ne s’attendait pas à trouver son mari si facile,