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Page:Du halde description de la chine volume 3.djvu/279

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Autre exemple.


Hai yu vivait sur la fin de la dynastie Ming. Il était en charge, quand sa mère mourut. Il quitta son emploi selon la coutume[1] pour prendre le deuil. C’est un des hommes qui ait donné de plus éclatantes marques de regret et de douleur à la mort de ses parents ; et il alla beaucoup au-delà des devoirs ordinaires que les rits ordonnent. Il pleurait, et donnait les autres marques de douleur dans les occasions qui sont prescrites ; mais c’était d’une façon singulière, et cela pendant huit années entières. Car la stérilité, puis les guerres qui désolèrent la province de Chan tong sa patrie, ne lui permirent pas de faire plus tôt les obsèques de sa mère. Pendant tout ce temps-là ce ne fut que pleurs et que regrets aussi vifs le dernier jour que le premier. Il négligea même les précautions les plus ordinaires contre le froid en hiver, et contre la chaleur en été. Une poignée de riz cuit dans beaucoup d’eau sans sel, et sans autre assaisonnement, faisait chaque jour sa nourriture. La maison qu’il habitait, et qu’on n’avait pas réparée, devint ouverte à tous les vents, et ne le mettait guère plus à couvert des ardeurs du soleil. Ses parents voulant y faire travailler : Non, dit Hai yu, ma grande affaire n’est pas encore en état ; il ne faut pas que chez moi on pense à aucune autre. Je suis le plus infortuné des hommes, il ne convient point de réparer une maison pour moi. Les troubles étant enfin cessés, Tsai hing tsong devint gouverneur de ce pays-là. Ayant été instruit du bel exemple de piété filiale qu’avait donné Hai yu, il lui fit de grandes largesses, qui le mirent en état de satisfaire sa tendresse dans les obsèques et la sépulture de sa mère.


Zèle singulier d’un aîné de famille, pour rétablir l’union entre ses frères.


Quatre frères vivaient en commun fort unis, sans avoir partagé leur bien. Quand ils furent tous mariés, il y eut bientôt querelle entre leurs femmes. Chacune portait son mari à se séparer : et trois de ces quatre frères écoutant les rapports de leurs femmes, commençaient à se brouiller. L’aîné s’en aperçut, et pensant sérieusement à y remédier, voici l’expédient dont il s’avisa. Un jour que ces trois frères étaient chacun dans leur appartement intérieur avec leurs femmes, il ferma la première porte de la maison ; puis rentrant dans un salon, d’où il pouvait se faire entendre à chacun d’eux. Malheureux que tu es, dit-il, en s’apostrophant soi-même, tu étudies depuis tant d’années la doctrine des anciens sages, et tu fais profession de la pratiquer en travaillant à ta propre perfection ; mais il faut bien que tu n’y travailles pas comme il faut : car selon la doctrine de nos sages, s’il n’y avait rien que de réglé dans ta personne, il te serait fort facile de maintenir le bon ordre et l’union dans ta famille : cependant

  1. Les mandarins de lettres le quittent pour trois ans ; après quoi on leur donne, s'ils veulent, un emploi tel que celui qu'ils avaient quitté.