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Page:Du halde description de la chine volume 3.djvu/281

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quelque répit à cause de sa mère qui vivait encore. Le Ciel l’a ainsi ordonné, répliqua l’esprit ; il en faut passer par là. Sur cet arrêt, le jeune homme pensa aux moyens d’épargner à sa mère tout ce qu’il pourrait de la frayeur que devait lui causer cet évènement. Il prépara donc de grand matin le repas de sa mère ; et le lui ayant servi, il lui témoigna qu’il avait envie ce jour-là de faire un tour à quelques lieues de là, où sa sœur était mariée, et la pria de le trouver bon. La mère lui refusa son consentement. Il arriva que sur le midi, des nuages épais se formèrent, et que le tonnerre commença à gronder. Ce jeune homme moins alarmé de sa mort, qu’il croyait prochaine, que de la frayeur qu’en aurait sa mère, sort du logis sous quelque prétexte, tire la porte après soi, et s’en va dans la campagne attendre le châtiment de ses péchés, tel qu’on le lui avait annoncé en songe. Il en fut quitte pour la peur. L’orage fut en peu de temps dissipé, et il s’en revint auprès de sa mère. Cette nuit-là même, un esprit lui vint dire en songe : Votre piété filiale a touché le Ciel : il vous épargne le châtiment que méritait votre vie si peu réglée. Soyez plus exact que jamais à tous les devoirs d’un bon fils. Il le fut, et vécut depuis un bon nombre d’années.


Respect et tendresse d’un fils pour sa mère.


Tsi king homme très riche, après avoir employé inutilement tous les remèdes ordinaires pour guérir sa mère qui était malade, entendit dire que des malades désespérés avaient quelquefois été guéris, en mangeant de la chair humaine. Aussitôt il se coupa un morceau de la cuisse, et le fit accommoder pour le faire manger à sa mère, sans qu’elle sut ce que c’était. On le présenta en effet à la malade ; mais elle ne put y goûter, et elle mourut. La douleur que Tsi king eût de cette mort, le fit évanouir jusqu’à trois fois. Quand il eût rendu à sa mère les devoirs de la sépulture, il lui prit envie d’avoir son portrait pour l’honorer. Il fit venir un peintre qui l’avait connue : mais malgré cela, ce peintre ne réussissait point. Tsi king en avait une vraie douleur, et il passa plusieurs jours en pleurs auprès du tombeau de sa mère. Pendant ce temps-là, le peintre la vit une nuit en songe. Le matin en ayant encore l’imagination remplie, il prend le pinceau, en fait un portrait très ressemblant, et vient l’apporter à Tsi king. Celui-ci le reçut avec une grande joie, et honora sa mère dans ce portrait, comme quand elle était en vie. Le bruit s’étant répandu qu’une troupe de brigands armés, couraient la campagne, et n’étaient pas loin : chacun pensait à s’enfuir : Moi, dit Tsi king, je n’ai garde d’abandonner ainsi le tombeau de mon père et de ma mère. Il assembla tous ses parents, encouragea tout le quartier à fournir aux dépenses nécessaires, pour se préparer à une généreuse défense. Les brigands qui en eurent avis, après avoir pillé d’autres villages aux environs, se retirèrent sans se présenter devant celui-ci. Les magistrats qui surent que Tsi king avait sauvé ce quartier, voulurent lui en témoigner leur reconnaissance, et récompenser ce service : Non, dit Tsi king, je vous remercie,