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Page:Du halde description de la chine volume 3.djvu/283

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plus parfaitement, pensez d’abord en général quel âge vous avez maintenant, et combien il y a d’années que vous êtes sur la terre. Rappelez-vous ensuite toutes les années de votre jeunesse, et de votre enfance. Examinez attentivement quels ont été pendant ces temps-là les soins d’un père et d’une mère, et quel retour il y a eu de votre part. Ces choses bien pesées, comme elles le méritent, représentez-vous ce premier moment où vous commençâtes à voir le jour, et où en naissant dans les larmes, vous fîtes souffrir à votre mère une douleur et une inquiétude presque égale. Puis remontant encore plus haut, formez-vous une vive idée des premiers mois de votre vie, pendant lesquels renfermé dans les entrailles de votre mère, vous ne viviez qu’autant qu’elle partageait avec vous ce qu’elle prenait de nourriture, et ce qu’elle respirait d’air. Enfin, si après avoir examiné ces différents états en particulier, vous recueillant tout de nouveau, vous vous les rappeliez tous d’une simple vue, vous sentirez infailliblement tout à coup naître en votre cœur des sentiments également doux et tendres. Profitez aussitôt de cette disposition pour vous établir dans la résolution ferme d’une piété constante et parfaite à l’égard de vos parents. Ne vous proposez rien moins que d’égaler en ce genre le fameux Tseng tseë, dont le respect et la tendresse pour son maître Confucius, sont loués depuis tant de siècles.


Exemple de piété filiale.


Au commencement de la dynastie Tang, Lou tao tsong devenu suspect, et étant accusé d’une faute, qui allait à lui faire perdre la tête, obtint de ceux qui le gardaient, la permission d’aller rendre les devoirs du Tiao à un de ses amis qui était mort. Il fit si bien, que se dérobant aux huissiers qui l’accompagnaient, il se cacha chez Lou nan kin avec qui il était lié d’amitié. Celui-ci malgré les recherches et les menaces de la cour, pour quiconque recèlerait les prisonniers fugitifs, ne déféra point son ami. Cependant la chose se découvrit. Lou nan kin fut mis en prison, et l’on était sur le point de lui faire son procès, lorsque son cadet vint se présenter au commissaire qu’on avait chargé de cette affaire : C’est moi, monsieur, dit-il, qui ai caché chez nous le fugitif ; c’est moi qui dois mourir et non mon aîné. L’aîné soutint au contraire que son cadet s’accusait faussement, et qu’il n’était point coupable. Le commissaire, homme habile, tourna si bien l’un et l’autre, qu’il découvrit la vérité, se convainquit qu’en effet le cadet était innocent, et l’en fit convenir lui-même : Il est vrai, monsieur, dit alors le cadet tout en pleurs ; c’est faussement que je m’accuse moi-même, mais j’ai de fortes raisons pour le faire. Ma mère est morte il y a du temps, et son corps n’est point encore inhumé : j’ai une sœur qui est nubile, et qui n’est point encore promise. Mon frère aîné peut mettre ordre à tout cela, et moi je n’en suis pas capable ; c’est pourquoi je souhaite de mourir en sa place. Daignez accepter mon témoignage. Le commissaire donna avis de tout à la Cour, et l’empereur à sa sollicitation accorda la grâce au coupable.