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Page:Du halde description de la chine volume 3.djvu/290

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Exemple de sévérité en fait de discipline militaire.


Leou gin tchen commandant dans des temps suspects un corps de troupes à Cheou tcheou, y tomba malade de fatigue. Un jeune fils qu’il avait, se laissant entraîner par quelques autres, prit ce temps-là pour passer la nuit au-delà du fleuve Hoai, contre l’ordonnance publiée, qui portait peine de mort pour quiconque oserait le faire. Une sentinelle donna avis de cette infraction ; le commandant, sans hésiter, condamna son fils au supplice que marquaient les ordonnances. Comme le père et le fils étaient aimés, tous les officiers demandaient grâce, et trouvant le père inflexible, ils crurent pouvoir le toucher par le moyen de sa femme. Ils s’adressèrent donc à elle ; et lui exposant le danger où était son fils, ce qu’ils croyaient qu’on lui avait caché, ils la pressèrent de demander sa grâce. J’aime mon fils tendrement, répondit-elle : le voir mourir si jeune et dans les supplices, c’est ce qui me perce le cœur. Mais d’un autre côté si on l’épargne, la famille des Leou aura manqué de fidélité et d’exactitude dans le service de son prince. Non, je ne puis m’opposer à l’exécution de la sentence. Le jeune homme fut en effet coupé par la moitié du corps, comme le portait la loi. Après quoi son père et sa mère recueillant son corps, lui donnèrent publiquement toutes les marques possibles de leur tendresse. Spectacle qui tira les larmes des yeux à ceux-là-mêmes, qui n’avaient point été touchés de la mort du fils.


Fruits d’une bonne éducation.


Ngeou yang sieou n’avait pas encore trois ans quand il perdit son père. La jeune veuve sa mère, dès qu’il eût atteint l’âge de 4 ans, prit un si grand soin de l’instruire, que dans les plus grands froids de l’hiver, elle passait une partie de la nuit à former des caractères sur des cendres froides[1], pour les lui apprendre. Elle lui répétait sans cesse, qu’il eût à se souvenir dans la suite, que son père, qu’il avait à peine connu, était un homme désintéressé et bienfaisant. J’aurais peine à t’exprimer lui ajoutait-elle, jusqu’où il poussait le respect, l’obéissance, et la tendresse pour son père et sa mère. Je rougissais souvent de le seconder si mal dans ses attentions respectueuses. Aussi quand je me vis mariée avec lui, je ne doutai point que je ne dusse avoir un bon fils d’un homme qui était si bon fils lui-même. Longtemps après le terme prescrit pour le deuil, il regrettait si fort son père et sa mère, que la seule vue d’un repas bien servi le faisait souvent fondre en larmes ; sa douleur était, disait-il, de n’avoir pas traité ses parents pendant leur vie, comme il l’aurait souhaité. Mais surtout il répandait des larmes en abondance toutes les fois qu’aux

  1. C'est pour marquer que la pauvreté ne lui permettait pas d'avoir un bon feu. Cette expression est d'un usage commun. Un homme peut dire par modestie, parlant de sa maison, Han kia, la froide maison, c'est-à-dire, maison pauvre, ou peu riche.