Page:Du halde description de la chine volume 3.djvu/292

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intrigantes, qui parcourent les maisons, chantant de côté et d’autre, disant la bonne aventure, ou récitant des prières ; qui ont mille tours et mille adresses, pour sonder le cœur des femmes et des filles d’une maison, et corrompre les plus innocentes. Il en est peu qui soient assez éclairées ou assez fermes, pour ne se pas laisser enfin séduire. La division dans les familles, les inimitiés entre les voisins, sont les suites ordinaires des discours de ces sortes de femmes, et il n’est pas même rare qu’elles soient d’intelligence avec des voleurs, pour leur fournir les moyens de faire un mauvais coup, ou bien avec des galants, pour porter les billets de part et d’autre, et favoriser les rendez-vous. On n’y saurait trop prendre garde.


Autre avis aux pères de famille.


Ne souffrir point de jalousie entre la première femme, et les femmes du second ordre. Ne mettre point de différence entre les enfants qui viennent de celle-ci ou de celle-là ; ne point favoriser par trop d’indulgence la licence des esclaves. Éviter tout luxe, et tout excès dans les noces. Veiller à cultiver les terres, et à entretenir des mûriers. Recevoir toujours bien les hôtes ; s’acquitter avec tout le soin possible des cérémonies tsi dans les occasions ordinaires et aux temps réglés. Voilà, disait Tchu ouen kong, ce qui entretient une famille dans l’union, dans le crédit, dans une honnête abondance, et même dans l’honneur et dans l’éclat.


Exemples d’attachement à son prince.


Dans la révolte de Tchu tsu contre l’empereur Te tsong, Kao tchong ti, général de l’armée de l’empereur, et Li ge yué, qui commandait les rebelles, en étant venus aux mains, les révoltés qui eurent en cette occasion quelque avantage, laissant sur-le-champ de bataille le corps de Kao tchong ti, lui coupèrent la tête, et l’emportèrent. L’empereur Te tsong fit recueillir le corps, et pleurant sur ce cadavre, il y fit ajuster une fausse tête, et lui fit des obsèques magnifiques. Tchu tsu de son côté, pleurant sur la tête qu’on lui porta, y fit ajouter des nattes en forme de corps, et la fit inhumer avec honneur. Tant il est vrai qu’un brave et fidèle sujet se fait regretter non seulement du prince qu’il a bien servi ; mais même de ceux qui étant ses ennemis et ceux de l’État, trouvent leur avantage en sa mort.

Tchu tsu, après avoir ainsi rendu à Kao tchong ti les derniers devoirs, fit porter le corps de son propre général Li ge yué à Tchang ngan, d’où il était, et lui ordonna aussi des obsèques honorables. Mais la mère de Li ge yué, bien loin de pleurer son fils, témoigna au contraire beaucoup d’indignation : Malheureux, lui disait-elle, tout mort qu’il était, quel mal t’avait fait l’État et ton prince, pour te révolter de la sorte ? Tu as péri, tu le méritais ; n’attends pas que je te pleure : tout mon regret est que tu n’aies pas péri plus tôt. Tant il est vrai qu’un sujet rebelle non seulement attire sur lui les vengeances du Ciel, mais devient pour ses plus proches un objet de haine et d’indignation.