Page:Du halde description de la chine volume 3.djvu/294

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ces trois métamorphoses, il s’en fait ordinairement quelqu’autre, tantôt il devient loup, tantôt tigre, tantôt kiao[1], tantôt king[2].


Savant réduit au silence.


Su ma ouen s’étant retiré des grands emplois, passait ordinairement le printemps et l’été à sa terre de Lo ; l’automne et l’hiver en ville, ne s’occupant qu’à philosopher et à instruire un assez bon nombre de disciples, que sa réputation lui attirait. Au reste il n’était point de ces maîtres austères, et d’une gravité trop gênante.

Après avoir fait quelque instruction à ses disciples, il les menait à la promenade, examinait tantôt l’un, tantôt l’autre, sur la matière qu’il avait traitée ; et si quelqu’un se trouvait ne l’avoir pas bien pénétrée, et n’en pouvoir rendre compte, il en était quitte pour une douce réprimande, et quelques mots d’exhortation. Il y avait tous les jours une espèce de répétition, qui se faisait avec un peu plus d’appareil que les conférences ordinaires, et qui se terminait par un petit repas qu’il prenait avec ses disciples ; repas au reste fort frugal, consistant en un coup de vin, un peu de riz, un plat de viande pour chacun, et rien davantage.

Un jour étant allé avec quelques-uns de ses disciples faire un tour à la montagne, où était la sépulture de ses ancêtres, il entra dans une bonzerie qui se trouva sur son chemin. Là, cinq ou six vieillards du voisinage vinrent lui rendre leurs respects, et lui faire leur petit présent. Il consistait en un peu de riz assez grossier dans un plat de terre, et un simple bouillon d’herbes dans un pot des plus communs. Le philosophe goûta ce présent, comme il aurait fait un tsi du premier ordre. Le présent fait et agréé, un de ces vieillards portant la parole : Monsieur, lui dit-il, nous avons ouï parler des fréquentes conférences que vous tenez en ville avec vos disciples ; nous ne sommes pas à portée d’en profiter. Aujourd’hui que nous avons le bonheur de vous voir ici, daignez nous donner quelque instruction par écrit.

Aussitôt le philosophe prend le pinceau, et leur donne l’explication d’un chapitre de l’ancien livre, qui traite de la piété filiale. Le chapitre qu’il expliqua, fut celui qui regarde les gens du commun ; un des vieillards recevant cet écrit, et le parcourant : Monsieur, dit-il, je suis ravi que vous ayez choisi ce texte pour nous instruire. Cela me donne occasion de vous faire une question. Nous avons remarqué que dans le livre de la piété filiale, il n’y a aucun chapitre depuis le premier, qui regarde l’empereur, jusqu’à celui que vous expliquez, qui ne finisse par une citation du livre des odes : il n’y a que ce chapitre-ci où l’on ait omis cette citation, Daignez nous en dire la raison.

Le philosophe surpris d’une question qu’il n’attendait pas, fut un moment

  1. Kiao est un oiseau réel ou fabuleux, qu'on dit qui mange sa mère.
  2. Animal réel oui fabuleux, qui, dit-on, mange son père.