Aller au contenu

Page:Du halde description de la chine volume 3.djvu/295

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

sans rien dire : puis les saluant avec respect : De ma vie, leur avoua-t-il, je n’avais fait cette réflexion ; je vous en suis obligé : il faut y penser pour vous répondre. Les vieillards se retirèrent en souriant, et répandirent dans tout le quartier, qu’ils avaient réduit le fameux Su ma à ne pouvoir répondre. Cela revint jusqu’à lui, et il en fut mortifié.


Pensées morales.


Avoir compassion de ceux qui sont dans l’affliction, c’est le moyen de n’y pas tomber vous-même. Les yeux du Chang ti, qui sont pleins de miséricorde, auraient peine à vous y voir.

Point de cupidité, point d’injustice, céder plutôt un peu du sien, c’est le moyen de faire à temps une bonne récolte. C’est d’un homme de ce caractère que nos anciens avaient coutume de dire, qu’il ne pouvait manquer de faire une bonne fin, et de mourir dans la joie.

Tchang hong yang dit : on m’attribue une mauvaise intention : si je ne l’ai point en effet, que m’importe ? On me soupçonne de quelque mauvaise action : si je n’en suis point en effet coupable, quelle raison aurais-je de m’en inquiéter ? Un feu, quelque violent qu’il puisse être, se dissipe bientôt, quand il n’a point d’aliment.


Reconnaissance d’une bête féroce envers son bienfaiteur.


Kuo ouen s’étant retiré dans des montagnes désertes, pour y vivre en solitude, il se présenta à lui durant plusieurs jours de suite une bête d’une apparence féroce et cruelle, qui sans cependant lui faire aucun mal, se tenait devant lui la gueule béante pendant un temps assez considérable, puis se retirait. Enfin Kuo ouen s’enhardit ; et regardant d’assez près dans la gueule de cet animal, il y aperçut un os, qui s’y était engagé d’une manière à l’incommoder, s’il voulait manger. Il eût le courage de mettre la main dans sa gueule toute ouverte et d’en dégager cet os. L’animal aussitôt se retira ; et il revint le lendemain chargé d’un cerf entier, qu’il mit aux pieds de son bienfaiteur, comme pour lui témoigner sa reconnaissance.

Le prince qui entendit parler de cette aventure, fit venir le Solitaire à sa cour, malgré qu’il en eût. Chacun l’y regardait avec respect, mais lui se dérobait, autant qu’il pouvait aux yeux des hommes : et quand il ne le pouvait pas, il demeurait dans le silence, comme s’il eût été seul. Un jour qu’on s’y attendait le moins, il demanda permission de se retirer ; et il fit de si fortes instances que le prince y consentit. Il s’alla placer dans une vallée solitaire, du territoire de Ling ngan, où il se fit une cabane de roseaux. A peine était-elle achevée, que la révolte de Sou sun éclata. Tout le pays fut ravagé, excepté le territoire de Ling ngan ; ce qui donna au solitaire la réputation de prophète.