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Page:Du halde description de la chine volume 3.djvu/298

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Ingratitude punie.


Vers le commencement de la dynastie Tang, Yao tsong étant déjà dans les charges, prit en affection un écrivain nommé Hoai tchi kou, en qui il trouva du mérite. Il lui procura des emplois, et le poussa de telle sorte, que dans la suite ils se trouvèrent ministres d’État tous deux ensemble. Yao tsong en eût de la peine, et il trouva moyen d’éloigner ce collègue, en lui procurant une commission fort honorable, mais au loin.

Hoai tchi kou qui sentit que Yao tsong souffrait avec chagrin la présence d’un tel collègue, lui en voulait intérieurement du mal. Dans le pays où il alla en qualité de commissaire, il trouva deux des fils de Yao tsong qui étaient en charge. Comme ils savaient les obligations que Hoai tchi kou avait à leur père, ils se firent médiateurs en bien des affaires, et importunèrent assez librement le commissaire. Celui-ci saisit cette occasion de se venger de Yao tsong. Il donna avis à l’empereur fort en détail de ce qu’il avait trouvé de défectueux dans les fils de ce ministre.

Quelques jours après, l’empereur demanda à Yao tsong, comme par manière d’entretien, si ses fils avaient du talent pour les affaires ; quel emploi ils avaient actuellement, et comment ils s’en acquittaient ? Yao tsong comprenant d’abord d’où venaient ces questions de l’empereur, et où elles tendaient : « Prince, répondit-il, j’ai trois fils : deux sont en charge à Tong tou[1]. Ils ne sont pas fort réservés : ils auront apparemment fatigué Hoai tchi kou, ci-devant commissaire en ces quartiers-là. On ne m’en a cependant encore rien dit, et je ne sais ce qui en est. »

L’empereur sur ces derniers mots soupçonna Yao tsong de dissimuler la vérité, et de vouloir couvrir les fautes de ses enfants. Yao tsong s’étant exactement informé de toute chose, alla de lui-même dire à l’empereur, que son soupçon s’était trouvé véritable, suivant les informations qu’il en avait faites. Comment cela, demanda l’empereur, pour le faire parler ? « Prince, dit Yao tsong, sans rien déguiser, c’est que Hoai tchi kou n’étant autrefois qu’un simple écrivain, je lui procurai des emplois, et je fis connaître son mérite. Mes fils ont eu la bêtise de compter que Hoai tchi kou m’ayant ces obligations, leur accorderait facilement tout ce qu’il pourrait : et sur cela ils ont eu la hardiesse de l’importuner pour bien des gens, et quelquefois pour d’assez méchantes affaires.

Alors l’empereur conçut que Yao tsong ne cherchait point à déguiser la faute de ses enfants : et comme les choses dont Hoai tchi kou les avait chargés, n’étaient pas dans le fonds fort considérables, Sa Majesté trouva fort mauvais que Hoai tchi kou eût pris cette occasion de faire de la peine à un homme auquel il était si redevable. « Cela n’est pas d’un honnête homme, dit l’empereur ; je veux le casser. » « Pardonnez-lui, je vous en conjure, dit Yao tsong ; que je ne sois point cause de sa disgrâce ; outre qu’elle me ferait de la peine, si Votre Majesté punissait si sévèrement une faute qui me regarde, je craindrais qu’on ne prît de là occasion d’attribuer

  1. La Cour orientale.