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Page:Du halde description de la chine volume 3.djvu/303

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Caractère de l’esprit intraitable.


On n’est point embarrassé comment traiter un honnête homme ; l’embarras est, comment traiter certaines âmes basses. Cet embarras croît bien davantage quand ces sortes de gens ont de l’habileté, du savoir faire, ou quelqu’autre talent semblable. Et c’est bien pis, quand il se trouve qu’on leur a quelque obligation ; on ne sait alors comment s’y prendre.


Peinture du monde et de la vie humaine.


Un jour vivement frappé d’un éclair, et dans la frayeur que me causa un coup de tonnerre : Hélas ! m’écriai-je en soupirant, qu’est-ce que cette fragile vie ? Il y a quarante ans que je suis au monde ; en repassant sur tout ce temps, je n’y trouve que vide et que néant. Il me semble que c’est un songe, pendant lequel je me suis trouvé en mille états différents ; et j’ai eu dix mille idées, qui se sont toutes évanouies comme une fumée légère.

Je ne vois de grand et de réel en ce monde qu’une vaste mer et un grand fleuve. C’est la mer de nos douleurs et de nos misères : mer infiniment étendue, et dont on ne voit point les rivages, C’est le fleuve de nos désirs : fleuve dont on ne peut trouver le fond. L’homme y est comme une méchante barque, qui battue des flots, fait eau de toutes parts.

Pour changer de métaphore, ce monde est un feu d’une nature singulière : fût-on de fer ou de bronze, on ne peut résister longtemps à un feu de cette nature ; il faut succomber et mourir. Pourquoi donc ne pas se préparer à la mort ? Pourquoi s’occuper du soin d’acquérir des terres, de bâtir des palais, de se pousser dans les charges, ou de se faire un grand nom ? Vivre longtemps ou vivre peu, dans la pauvreté ou dans l’opulence, dans l’honneur ou dans le mépris, sont toutes choses qui dépendent non de nous, mais du Ciel. Tournez donc désormais de quel côté vous voudrez : mais de quelque côté que vous tourniez, ne pensez qu’à acquérir l’immortalité[1].


Réflexions morales.


De simple et d’ignorant devenir savant et éclairé, c’est une chose, à mon avis, assez aisée, disait un jour Ye che lin : mais par la voie de l’étude et de la science revenir à la modestie d’un homme ignorant et simple ; c’est ce qui est très difficile.

Les biens et les plaisirs du monde nous troublent le cœur et le corps.

  1. Le chinois dit Tso ko fei sien, à devenir un immortel qui s’envole. Il y a, dit-on, des gens à la Chine qui cherchent l’immortalité du corps par la médecine ou la magie. Est-ce de cette immortalité qu’on parle ici ? Chacun en jugera ce qu’il lui plaira. L’on se contente de traduire.