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Page:Du halde description de la chine volume 3.djvu/304

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Même en les goûtant nous sentons comme un regret de nous y laisser entraîner : aussi nous lassent-ils, quand ils durent, jusqu’à nous causer du dégoût. Un homme, qui depuis longtemps est dans les charges, soupire après la retraite. Celui qui a bien bu, veut dormir. Il n’y a que l’étude de la vraie sagesse, qu’on aime d’autant plus qu’on y fait plus de progrès.

Vous êtes dans le repos et dans la retraite, n’en veillez pas moins sur vous-même, et ne dites point mal à propos : qu’ai-je à craindre ? Cette sécurité même est dangereuse. Les mets les plus agréables ne sont pas toujours les plus salutaires ; et l’on goûte rarement de grands plaisirs, qui ne soient bientôt suivis de quelque amertume.

Savoir se guérir d’une maladie, c’est quelque chose ; mais savoir s’en préserver, c’est encore mieux.


Éloge de la frugalité.


Ceux de nos empereurs qui ont vécu le plus longtemps, sont[1] Han vou ti, qui a vécu soixante et dix ans, Leang vou ti, et Song kao tsong, qui en ont vécu plus de quatre-vingt. Aussi Han vou ti avait pour maxime, qu’une grande tempérance était la plus excellente médecine. Leang vou ti disait de soi-même, qu’il avait couché pendant trente ans dans un appartement séparé de celui des femmes. Pour Song kao tsong, outre qu’il était né avec une complexion robuste, il fut toujours très modéré dans l’usage des plaisirs, et maître de ses passions.


Sur le même sujet.


Li keng ta, quoique capable des plus grands emplois, n’y voulut point entrer. Il se retira sur le mont Ki tcheou, pour étudier la doctrine des philosophes Lao et Tchuang. Bien des années après sa retraite, Ouang cheou tching, Liu tchong, et quelques autres l’allèrent voir, et lui demandèrent le secret de conserver la vie et la santé. Qu’est-ce que notre corps, répondit-il, sinon du sang et des esprits ? Cette prétendue pierre merveilleuse, dont on parle, ne saurait être au bout du compte qu’une composition de plantes, de pierres, et de métaux. Comment croire que cette composition puisse maintenir ou remettre toujours le sang et les esprits dans la vigueur et dans l’ordre ? Vivre toujours frugalement, hors du tracas, dans le repos, et surtout dans un grand dégagement de cœur et d’esprit. Voilà la grande médecine, et cette merveilleuse pierre, dont les vertus sont si rares.


Que c’est dans soi-même qu’on trouve son repos et son bonheur.


Certaines gens se plaignent, dit le philosophe , de ne pouvoir

  1. Han, Leang, Song, trois noms de dynastie.