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Page:Du halde description de la chine volume 3.djvu/308

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passagère. Au contraire il y a certaines lampes, qui luisent avec plus d’éclat, au moment qu’elles vont s’éteindre. C’est une vie qui mène à la mort. Il en est à peu près ainsi du commun des hommes, qu’une lueur passagère conduit enfin à l’aveuglement. Cette doctrine est renfermée dans l’ancien livre canonique, qui expose une vicissitude continuelle de générations et de conversions. Ainsi dans les temps de paix et de prospérité, penser prudemment aux temps de troubles et de disgrâces, c’est, à mon avis, savoir étudier ce livre, et profiter de ce qu’il contient. Demeurer modeste et humble dans la plus éminente dignité, et ne se permettre pas le moindre excès dans la plus grande abondance ; c’est, à mon sens, avoir pénétré ce fameux livre, et en exprimer la doctrine en sa personne.


Instructions appuyées d'exemples.


Quand d’une condition basse, on parvient à un haut degré de fortune, il ne faut ni oublier les bienfaits qu’on a reçus, ni se souvenir des injures.

Su ma ouen étant ministre, et en crédit, procura un emploi considérable à Leou yuen tching. Celui-ci étant allé voir son bienfaiteur, pour lui témoigner sa reconnaissance : Savez-vous, lui demanda Su ma ouen, ce qui m’a principalement porté à m’employer ainsi pour vous ? Monsieur, répondit Leou yuen tching, c’est apparemment notre ancienne connaissance ; je n’en vois pas d’autre raison. Ce n’est point cela, dit Su ma ouen ; c’est qu’ayant reçu de vous de fréquentes lettres, tout le temps que j’ai passé chez moi sans emploi, je n’en ai pas reçu une seule depuis que je suis entré dans les charges. Voilà ce qui m’a porté principalement à vous produire et à vous avancer.

Parmi les instructions que Li ouen tsié avait fait graver dans la salle où il recevait et traitait ses amis, on lit ce qui suit : Bonheur, malheur, perte, profit, sont choses où l’on ne voit goutte en ce monde, par la raison que l’avenir est à notre égard une nuit obscure.

Le philosophe Lié rapporte à ce propos l’exemple de certain Sai, qui pour avoir perdu son cheval, fit une grosse fortune, et le philosophe Tchouang, sur le même sujet : Rappelez-vous, dit-il, l’histoire de Li ki[1]. D’abord elle fondit en pleurs, et se lamenta, se voyant livrée aux Tsin. Bientôt elle essuya ses pleurs, et rétracta ses lamentations, se voyant par là devenue reine. Qui pénétrera bien ceci, dans quelque état qu’il se trouve, ne s’abandonnera jamais ni à la joie ni à la tristesse.


Mépris des biens de la fortune.


Si le riche a quelque avantage sur le pauvre, il consiste en bien peu de chose. Dans ce qui est de quelque importance, la condition de l’un et de l’autre est assez égale. Par exemple, s’il y a quelque chose de fâcheux

  1. Nom d'une femme.