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Page:Du halde description de la chine volume 3.djvu/309

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dans ce monde, c’est de vieillir, de tomber malade, de mourir ; à tout cela que font les richesses ? Bien loin qu’elles soient un remède efficace contre la vieillesse, la maladie, ou la mort, elles ne font assez souvent que les hâter de venir.


Sur le même sujet.


Ceux qui sur le retour de l’âge, se trouvent dans l’opulence et dans l’honneur, ont auparavant passé par les travaux et les épreuves, et l’on ne voit presque personne, qui s’étant trouvé dans l’abondance et dans l’honneur dès sa jeunesse, vieillisse sans revers et sans disgrâce. Tel ayant obtenu les degrés fort jeune, est d’abord entré par cette voie dans les charges. Bientôt il a eu quelque affaire fâcheuse, ou bien il s’en trouvé pauvre, chargé d’une grosse famille, et manquant peut-être du nécessaire. Il est vrai que certains, profitant du mérite et des travaux de leurs pères, se trouvent avancés de fort bonne heure, et possèdent en même temps de grandes richesses ; mais il est rare après tout que leur postérité soit nombreuse ; ils vivent ordinairement très peu. C’est ainsi que le Tsao voé tche[1] dans sa conduite ordinaire nous élève et nous abaisse alternativement. Il n’y a point d’exemple d’une prospérité constante et longue, au lieu qu’on trouvera cent exemples du contraire. Cependant encore aujourd’hui, que d’empressements, que de soins, que de projets, pour tâcher de parvenir aux honneurs et à l’opulence, par une autre voie que par le travail et la souffrance ! Il n’est pas jusqu’aux derniers moments de la vie, qu’on n’emploie à rêver par quel artifice on pourrait pousser ou enrichir ses enfants. C’est le comble de l’aveuglement.


Sur le même sujet.


Ce qu’il faut à l’homme pour se nourrir et se vêtir pendant la vie, se réduit à peu de chose. Tout ce qu’il amasse au-delà, c’est pour autrui. Tel qui a une grande charge, des femmes du second ordre, et des esclaves en quantité, s’en lasse enfin ; et dans ce moment il comprend qu’il faudra bientôt que sa charge passe à un autre. Que dis-je sa charge ? Au vivre et au vêtement près, tout ce qu’il a amassé de plus, c’est pour autrui : et cependant s’il l’a injustement acquis, c’est lui qui en portera la peine. Les livres de Foë disent : Vos œuvres seules vous suivront ; vous n’emporterez rien du reste. Que cette parole est belle !

  1. Celui qui a fait, ou celui qui fait les choses. Tsao voé peut signifier faire les choses, produire les choses. Il peut aussi signifier celui qui produit les choses. C’est selon l’endroit et la suite. Mais quand il y a cette troisième lettre tché, c’est toujours celui qui produit les choses.