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Page:Du halde description de la chine volume 3.djvu/312

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bien de folles dépenses, ils se pousseraient et plus sûrement et plus vite. Je voudrais encore qu’étant ainsi réglés, ils s’appliquassent de même à régler leurs femmes ; que bien loin d’entretenir leur luxe, en leur fournissant de quoi acheter des perles et d’autres bijoux superflus, ils ne leur permissent pas même d’avoir des lits ou des habits brodés, et qu’ils tâchassent de les engager à travailler dans leur ménage, comme font les femmes du commun. Bien loin que cette modestie fût honteuse au mari ou à la femme, elle leur ferait dans la suite un véritable honneur.

Au contraire, ceux qui ne savent pas se contenter du nécessaire, et qui lâchant la bride à leurs appétits, donnent dans le luxe et la bonne chère, franchissent bientôt les bornes que la raison, la bienséance, et les lois prescrivent ; et en s’abrutissant l’esprit, se ruinent en même temps le corps. Ils deviennent par cette voie un objet de risée à leurs voisins et à leurs propres esclaves. Mais à plus forte raison, qu’est-ce que pensera de ces gens-là la sublime intelligence du ciel et de la terre ? Qu’est-ce que pensera l’inflexible droiture des esprits ; que penseront leurs propres parents, leurs propres pères ? Mépris, aversion, c’est à quoi ils doivent s’attendre. Aussi voit-on assez souvent fondre sur eux des malheurs extraordinaires.


Sur le même sujet.


Un jour l’empereur Yong lo[1] venant de donner audience, et passant par une porte, la manche de sa veste se gâta. Il quitte aussitôt cette veste, la fait nettoyer, et la reprend, n’en ayant pas d’autre à changer. Son valet de chambre ayant pris de là occasion de louer son maître : Je pourrais assurément, reprit le prince, si je voulais, avoir quantité d’habits, et en changer dix fois le jour ; je suis assez riche pour cela. Mais j’ai continuellement dans l’esprit cette maxime ; qu’il ne faut point abuser de ses biens, ni les dépenser inutilement. C’est pourquoi je n’ai point d’habits superflus. L’empereur mon père vit un jour l’impératrice ma mère raccommoder elle-même un vieil habit. Aussitôt il lui en témoigna sa joie : Une femme, lui dit-il, dans l’abondance de toutes choses, élevée au plus haut degré d’honneur, enfin une impératrice être ainsi laborieuse ; rien n’est plus beau ! Voilà un bel exemple pour nos descendants. C’est sur cette instruction de feu mon père, que je règle ma conduite à cet égard.


Avis aux pères de famille.


Dans un petit traité du travail et de l’économie, on lit ce qui suit : Tout homme naît avec une certaine inclination pour les honneurs et les richesses. Cependant, bien loin que tous les hommes deviennent riches, il y en a un assez grand nombre qui sont pauvres jusqu’à manquer du nécessaire. Aussi n’est-il pas fort aisé de faire une maison riche. Autant que

  1. Un des derniers de la dynastie Ming, qui a précédé les Tartares.