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Page:Du halde description de la chine volume 3.djvu/313

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cela est difficile, autant est-il facile de la ruiner. Cela est très vrai. Mais après tout il est vrai aussi que la pauvreté et l’indigence qui réduisent certaines gens à de fâcheuses, et souvent à de honteuses extrémités, sont ordinairement le fruit d’une paresse criminelle. Quiconque aime tant soit peu le travail et l’épargne, peut se passer aisément d’autrui. Bannissez d’une famille ce luxe introduit par la coutume, et qui n’en est pas plus louable. Que les hommes s’appliquent à labourer et à ensemencer les terres, on n’y manquera pas de grains pour vivre. Que les femmes de leur côté s’appliquent à filer et à de semblables ouvrages, on y aura de quoi se vêtir.

Voilà à quoi il faut veiller, pères de famille ; mais veillez-y de bonne heure. Ne dites point : mes enfants sont encore jeunes, il faut attendre qu’ils deviennent grands. Le temps passe avec une rapidité incroyable. Bientôt il faudra marier ce fils, puis cette fille : le père et la mère deviendront vieux et infirmes : des dépenses plus pressantes se succéderont de près les unes aux autres. Le moyen alors d’y fournir, si l’on n’y a pourvu de bonne heure. Pensez-y donc sérieusement ; point de paresse.


Luxe puni dans un empereur.


Sous le règne de Hiuen tsong, la coutume s’était établie que tous les Grands offraient des repas au prince. On lui en envoyait même de loin par terre et par eau. Il y avait un grand officier chargé particulièrement de ce qui regardait ces sortes de présents, et l’on avait réglé jusqu’où devait monter la dépense de ces repas. Chaque plat revenait à une si grosse somme, que le bien de dix familles d’une médiocre condition y eût à peine pu suffire. Ven ti, un des empereurs de la dynastie Han, voulut autrefois faire une terrasse. Dans le devis qui lui fut fait de la dépense que demandait cet ouvrage, il trouva qu’elle monterait aussi haut que le bien de dix familles. Aussitôt il se désista, ne voulant pas faire tant de dépense pour un ouvrage peu nécessaire. Que dire, hélas ! de Hiuen tsong, pour qui l’on dépensait autant dans un seul plat ? Aussi perdit-il bientôt l’empire. Il fut obligé de s’enfuir ; et dans sa fuite arrivant à Kien hiang après midi, sans avoir rien pris de ce jour-là, il se trouva fort heureux d’y trouver quelques petits pains assez méchants, que Yang koué tchong acheta pour lui présenter. Le peuple du lieu donna pour ceux qui étaient à la suite du prince, du riz grossier mêlé de pois et de blé. Chacun se jeta dessus, et les petits-fils de Hiuen tsong, avec encore plus d’avidité que les autres, le prenaient à pleines mains. Cette troupe fugitive et affamée ayant bientôt consumé ce peu de riz, ils commencèrent à se regarder en pleurant : Hélas ! disaient-ils, les larmes aux yeux, où sont ces repas qu’on nous présentait à si grands frais il n’y a qu’un jour ?

Si le luxe et les folles dépenses sont ainsi punis dans les empereurs, à plus forte raison le seront-ils dans les hommes du commun.