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Page:Du halde description de la chine volume 3.djvu/315

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ans, pour un homme qui en restait seul alors, j’en compte bien aujourd’hui mille, en y comprenant les femmes. Cependant la terre ne s’agrandit pas, et ne produit pas plus qu’auparavant. Le moyen que les biens suffisent, et qu’il n’y ait pas bien des gens pauvres, surtout l’abus de ces biens ne faisant qu’augmenter de siècle en siècle ! Autrefois on se contentait de maisons fort simples : aujourd’hui on y veut de la sculpture et beaucoup d’autres ornements. Autrefois on se contentait d’habits communs et modestes ; aujourd’hui on en veut de beaux et de riches. Autrefois dans un repas qu’on donnait, le nombre des plats ne passait pas le nombre de six : aujourd’hui on les multiplie à l’infini. Le bien qu’un homme possédait autrefois seul, se trouve aujourd’hui partagé entre mille ; cependant chacun de ces mille voudrait le porter plus haut que n’a jamais fait cet homme seul. Le moyen de fournir à ces dépenses, les esprits s’en mêlassent-ils ! Aussi voit-on chaque jour tant de gens tomber dans une extrême pauvreté, et le nombre des voleurs devenir plus grand.


Sur le même sujet.


Le luxe est ce qui allume et nourrit la cupidité. Donnez-moi un homme qui content d’un petit enclos de roseaux et d’une maison de paille, s’y occupe à lire les livres de nos sages, ou à s’entretenir de la vertu, dont tous les divertissements se bornent à prendre de temps en temps le frais au clair de la lune, et dont tout le soin est de conserver dans son cœur l’amour du prochain et l’innocence. Pour tout cela peu de bien suffit, qu’a-t-il besoin d’être riche ? Aussi cet homme peu sensible à tout ce que le monde goûte, ne donne-t-il pas la moindre prise à ce qu’on appelle cupidité.


Sur le même sujet.


Que la nourriture de l’homme coûte ! On laboure, on sème, on plante, on arrose : le grain étant mûr, il faut le couper, le recueillir, et le battre. Il faut ensuite ou le piler ou le moudre, le laver, et enfin le cuire. Que de travail pour un repas ! Si ce repas se mettait d’un côté dans la balance, et qu’on pût ramasser, pour lui opposer de l’autre, ce qu’il a coûté de sueurs, qui l’emporterait des deux ?


Exemple d’un mandarin ennemi du luxe.


Haï choui ayant été fait yong tsai[1], chacun le vint féliciter avec des présents. Non seulement il refusa tout ce qui était de prix, comme soieries et choses semblables, mais il témoigna même désapprouver ceux qui se servirent du plus beau papier pour leurs billets de visite. Il trouvait en cela du luxe, dont il était fort ennemi. Un honnête

  1. Ancien nom d'une charge très-considérable.