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Page:Du halde description de la chine volume 3.djvu/328

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ne demandez point quel est le degré d’honneur qu’on vous présente, ni si le gain est considérable. Commencez par examiner si la chose est légitime.

Vous entendez louer une vertu, ou blâmer un vice, n’examinez point si c’est de vous ou de quelqu’autre, qu’on veut parler. Tenez votre cœur dans l’équilibre, et jugez d’abord de ce qu’on dit, sans y prendre part. Ayez soin ensuite de vous l’appliquer.

Un homme en votre présence, expose son opinion sur quelque point de littérature. Ne commencez pas par examiner si cette opinion s’accommode avec la vôtre. Écoutez comme si vous n’aviez encore pris aucun sentiment sur le point dont il s’agit. Retenez bien ces maximes ; elles sont importantes et de grand usage.

Dans un appartement sûr et secret avoir à sa discrétion une beauté peu commune, et cependant se conserver pur ; trouver dans un désert une grosse somme sans vouloir se l’approprier ; se trouver surpris et assailli par un adversaire redoutable, sans s’épouvanter et sans se troubler ; au premier avis du danger que court un ennemi mortel, s’empresser pour le secourir ; ce sont autant d’excellentes pierres de touche.


Autres maximes.


Il arrive que par occasion ou par nécessité, vous avez depuis peu quelque rapport avec un méchant homme. Point de complaisance pour lui aux dépens de votre devoir. La nouveauté de ce commerce n’est pas une excuse légitime. Depuis longtemps vous êtes lié avec un autre qui est un homme de probité. N’en soyez pas plus hardi à vous permettre la moindre chose qui soit pour lui une raison de vous mépriser. Toute ancienne qu’est votre liaison elle ne vous autorise point à blesser les bienséances.


Sur les préjugés, les erreurs et les désordres du monde.


Hélas ! dit Tou ouei tchin, le monde est plein de faux préjugés, d’erreurs ridicules, et d’affreux désordres. Voyons-en quelques exemples. On sert le soir à quelqu’un de la chair d’un singe ; il se persuade que c’est de la chair de chien : dans cette pensée, il la trouve bonne. Le lendemain il vient à savoir que c’est d’un singe qu’il a mangé ; aussitôt vient le vomissement.

Qu’un homme ait soif, et que dans l’obscurité on lui donne à boire dans un crâne sec : il boit à longs traits et sans répugnance : s’il s’aperçoit le lendemain, que c’est dans ce crâne qu’il a bu, il sent aussitôt de grandes nausées.

Un fils a de grands défauts, mais son père l’aime : aussitôt tous ces défauts disparaissent aux yeux du père : il croit voir dans ce fils de la tendresse, du respect, et de l’obéissance ; il n’y aperçoit rien autre chose. S’il arrive par hasard que ce père prenne de l’aversion pour ce fils, il ne