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Page:Du halde description de la chine volume 3.djvu/330

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il voit l’inutilité de son impatience et de ses murmures. Il continue cependant de s’impatienter et de murmurer.

En goûtant les plaisirs du siècle, il en voit le dérèglement : il les goûte cependant et s’y abandonne, C’est qu’il n’a pas la force de tenir contre la violence de la douleur, ni contre l’attrait du plaisir. C’est la même chose dans tout le reste.

Aussi l’homme ne travaille-t-il à rien moins qu’à devenir le maître de ses passions. Les jours se passent en mille vains projets, dont son esprit s’occupe même pendant la nuit : et cela jusqu’à ce que par une maladie, ou par quelque accident imprévu, la respiration lui étant coupée, et n’y ayant plus de lendemain pour lui, les vains projets qu’il formait pour l’avenir, s’évanouissent en un instant.

Je le dis donc, et l’expérience ne le fait que trop sentir : le monde est plein de préjugés, d’erreurs, et de désordres. Je n’en ai montré qu’un échantillon : je souhaite que quelqu’autre plus habile que moi traite à fonds un sujet de cette importance.


Inconséquences de conduite.


Du grand nombre d’hommes qui meurent chaque jour, à peine y en a-t-il un sur dix mille, à qui le poison cause la mort. Cependant tout poison est en horreur. Au contraire l’oisiveté, les délices, et la volupté font périr des gens sans nombre, et personne ne les redoute.


Maximes.


Ce qu’on admire aujourd’hui le plus dans un homme qui est en charge, et ce qu’on recommande sur toutes choses à ceux qu’on y met, c’est le désintéressement. De là vient peut-être qu’un magistrat désintéressé, est le plus souvent plein de lui-même, regarde les autres avec dédain, et prend certains airs de fierté à l’égard de ceux même qui sont au-dessus de lui. Cependant à juger sainement des choses, un magistrat désintéressé dans l’exercice de sa charge, n’est pas plus estimable qu’une femme fidèle à son mari. Si une femme fière de sa fidélité conjugale, se croyait par là en droit de perdre le respect à son beau-père et à sa belle-mère, de maltraiter ses belles-sœurs, et de maîtriser même son mari, qu’en dirait-on ?


Autres maximes.


Recevoir beaucoup d’un méchant homme, c’est une faute : le servir par reconnaissance dans ses passions, c’en serait une plus grande.

Il faut éviter avec grand soin d’offenser un honnête homme, et de mériter sa colère. Si par malheur on l’a méritée, il faut lui faire satisfaction de bonne grâce. Chercher à s’en dispenser, c’est une seconde faute.

Quand ce que vous voulez dire, est de nature à pouvoir être dit au