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Page:Du halde description de la chine volume 3.djvu/331

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Ciel (Tien), alors parlez. Autrement n’ouvrez pas la bouche. Un mouvement naît en votre cœur ? S’il tend à perfectionner votre nature, il faut le suivre : sinon, étouffez-le dans sa naissance.

Soit qu’on me blâme, soit qu’on me loue, dit Yeou si chan, je trouve moyen d’en profiter pour ma perfection. Je regarde ceux qui me louent comme des gens qui me montrent le chemin que je dois tenir ; et j’écoute ceux qui me blâment, comme des gens qui m’avertissent des dangers que j’ai à courir.

Dans l’action et le tracas des affaires, il faut éviter avec grand soin d’abandonner son cœur au trouble et à l’inquiétude. Mais dans le repos et l’inaction, il n’est pas moins dangereux de laisser du vide dans son cœur.

Vous voulez passer un bras de mer sur un outre ; quel soin ne prenez-vous pas, pour qu’il n’y ait pas même un trou d’aiguille ? C’est ainsi qu’il faut veiller sur votre cœur et sur vos actions.

Celui qui fait une bonne action, ne doit jamais s’en vanter. S’il en fait parade, elle est perdue. Ce mot est de Fan tchin jiang, et je le trouve très bien dit.


Instruction d’un ministre d’État.


Chin, autrefois ministre d’État, fit graver l’instruction suivante : Un grand secret pour se bien porter, est de modérer ses passions ; la volupté et le trop de soins y sont presque également nuisibles. Point d’ivresse, point de colère ; vous éviterez les querelles, et vous pourrez facilement conserver vos biens. C’est par le travail qu’on s’avance. C’est en épargnant honnêtement et à propos, qu’on devient riche. On gagne ordinairement à céder : du moins on évite les malheurs, qu’un homme trop fier et trop roide a coutume de s’attirer. Décocher des flèches dans l’obscurité, c’est une imprudence extrême. Il y a des occasions où il est dangereux de faire paraître trop d’esprit. C’est en s’adonnant sérieusement à la vertu, qu’on nourrit, pour ainsi dire, et qu’on perfectionne sa nature. Si vous jeûnez avec un cœur plein d’artifice, je regarde vos jeûnes comme fort inutiles. Fuyez les procès et les tribunaux. Vivez en bonne intelligence avec vos voisins. Content de votre condition, ne vous exposez pas à tomber dans l’opprobre et dans le mépris, par des tentatives qui soient au-dessus de vos forces. Enfin gardez votre langue avec grand soin. Tous ces avis sont importants, pour vivre heureux et sans disgrâces.


Réflexions.


Un marchand qui passe les mers, en danger de périr par la tempête, jette à l’eau ses marchandises, pour alléger son vaisseau, et sauver sa vie. C’est qu’il sait que la vie est préférable aux autres biens, qui sont inutiles à un homme mort. Un bûcheron piqué au doigt par un serpent venimeux,