Aller au contenu

Page:Du halde description de la chine volume 3.djvu/337

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Ainsi le son use une cloche. Ainsi se consume un flambeau, en répandant sa lumière. Hélas ! que souvent la même chose arrive aux hommes ! quiconque est sage, doit y penser, et prendre garde que ses talents ne soient cause de sa perte.

Il est des navigateurs téméraires, qui voyant le vent favorable, sans faire attention ni à sa violence, ni au changement qui peut venir, mettent toutes les voiles. Si tout à coup le vent change, le vaisseau a plutôt péri, qu’ils n’ont pu virer de bord, ou carguer les voiles. Apprenez de là, gens du siècle, à ne vous pas engager tellement dans aucune affaire, quelque avantageuse qu’elle paraisse, que vous ne laissiez, pour ainsi dire, assez de terrain autour de vous, pour pouvoir, en cas d’accident, reculer, ou tourner à l’aise.

Cet homme riche et puissant est-il bien malade ? Occupé de sa maladie, il est assez froid sur tout le reste. Comme il sent qu’il est incapable de jouir des grands biens qu’il a, il en fait actuellement moins de cas que de la santé qui lui manque. Que ne réfrénez-vous donc, grands et riches, votre ambition et votre cupidité, en vous rappelant sans cesse, lorsque vous êtes en santé, les pensées que vous auriez si vous étiez bien malades.

Plus un homme fait d’efforts, pour que son sentiment l’emporte dans un conseil, plus je me défie de ses lumières : les gens d’une sagesse profonde n’ont point cet empressement. Un tel aime la dispute ; c’est tout au plus un demi-savant : un homme véritablement docte, dispute et parle ordinairement fort peu. Entendez-vous cet autre parler au tiers et au quart ? Ce ne sont que flatteries : je conclus presque à coup sûr, que c’est l’intérêt qui le fait parler. Un homme désintéressé est plus simple dans ses discours, lors même qu’il croit devoir donner des louanges. Enfin voyez-vous cet autre, avec quel soin il affecte en toutes choses ce qu’il y a de moins usité. Comptez que c’est un petit génie, Tout homme sage et habile hait la singularité.


Instructions morales.


Ouang sieou tchi, après avoir été une année en charge, demanda la permission de se retirer. Vous vous portez bien, lui dit quelqu’un, et il n’y a qu’un an que vous êtes ici. D’ailleurs ce pays et cet emploi sont assez bons ; vos prédécesseurs s’en sont bien trouvés. Pourquoi donc vous tant presser à les quitter ? Je me presserais moins, répondit-il, si le pays et l’emploi étaient moins bons. Du train que je vois les choses aller, si j’étais ici du temps, il me viendrait de grandes richesses ; rien n’est plus capable d’aveugler l’homme, et c’est pour cela qu’assez souvent les grands biens sont suivis de grands malheurs. Le peu de terres que m’ont laissé mes ancêtres, me suffit ; je m’y retire. Il se retira en effet ; et chacun disait : voilà le premier homme que j’aie vu appréhender de devenir riche.

Un père et un fils s’accusant l’un l’autre à Ouang yang ming. Celui-ci ne leur dit que quelques paroles, et aussitôt le père et le fils fondirent