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Page:Du halde description de la chine volume 3.djvu/338

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en larmes, et se réconcilièrent. Tchai ming tchi, qui vit cela d’un peu loin, accourant à Ouang yang ming : Maître, lui dit-il, peut-on savoir les paroles que vous avez dites à ces gens-là, et dont ils ont été si promptement et si vivement touchés ? Je leur ai dit, répondit Ouang yang ming, que Chun était un très méchant fils, et Kou seou un très bon père. Tchai ming tchi paraissant surpris de cette contre-vérité : Vous avez tort, lui dit Ouang yang ming, de ne pas comprendre ce que ces deux hommes ont compris. Ma pensée était de leur faire entendre que Chun avait été le modèle d’un bon fils, parce qu’il ne croyait jamais satisfaire assez à ce qu’il devait à son père ; et qu’au contraire Kou seou se persuadant faussement qu’il était plein de douceur pour son fils Chun, était devenu à son égard un père cruel et barbare. Ce père et ce fils, qui étaient venus se plaindre à moi l’un de l’autre, comprenant très bien ma pensée, sont aussitôt rentrés en eux-mêmes : chacun d’eux a senti qu’il avait tort ; l’un d’imiter Kou seou ; l’autre, de n’imiter pas Chun.


Réflexions.


Une haute fortune sans reproche, et une réputation à toute épreuve, sont choses rares, et dont le tsao voë tché[1] est comme avare. S’il vous en favorise, il ne faut pas en être prodigue. Éclaircissez donc à la bonne heure les faux soupçons et les médisances qu’on pourra semer pour vous nuire. Mais que la peine de les dissiper ne vous les fasse pas craindre : et quand vous apprenez qu’il s’en répand, ayez-en plutôt de la joie que de la tristesse.

Un jour on demandait en compagnie, pourquoi et comment un tel en si peu de temps était devenu si riche ? C’est, dit quelqu’un, que le Chang ti[2] en use à son égard comme avec un créancier trop importun. Il lui rend intérêts et capital. Mais presser de la sorte, ce n’est pas l’entendre : car le capital remboursé, les intérêts cessent. On dit que ce fut Ming hing tse qui répondit de la sorte ; et certes la parabole est digne de lui.


Mauvaise manière de fléchir un prince irrité.


Vous voulez fléchir un homme, et surtout un prince offensé. Commencez, si vous m’en croyez, par faire une espèce de diversion. Prenez cet homme offensé par quelque endroit qui le flatte : le plaisir qu’il y prendra, le détournant de ce qui l’irrite, diminuera sa colère. Vous pouvez par cette voie tout vous promettre : mais si vous entreprenez de lui justifier directement celui qu’il tient pour coupable, ou l’action qui l’a choqué, c’est, comme dit le proverbe, jeter de l’huile sur le feu : c’est l’irriter encore davantage.

Sous la dynastie Han, un grand officier de guerre nommé Tien fuen fut

  1. Tsao signifie produire, faire, créer. Voë veut dire être, chose, substance.
  2. Chang signifie suprême, Ti empereur.