Page:Du halde description de la chine volume 3.djvu/340

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Le mauvais succès des autres n’empêcha pas Li pong ki de faire aussi une tentative en faveur du même coupable ; et voici comme il s’y prit.

Dans une audience qu’il eût du prince, après avoir fait son rapport des affaires dont il s’agissait : Prince, dit-il, si j’osais, je vous dirais un mot d’une autre affaire. L’empereur le trouvant bon : Tchoui fa, continua-t-il, est en prison il y a du temps : il le mérite, et au-delà, pour l’insolence qu’il a eue de vous manquer de respect. Mais il a une bonne mère âgée de quatre-vingts ans. La faute et la prison du fils, ont tellement affligé la mère, qu’elle en est tombée malade. Depuis que Votre Majesté est sur le trône, elle a fréquemment recommandé le soin des parents : elle fait de la piété filiale le grand ressort de son gouvernement. Ainsi, vous feriez, ce me semble, une action bien digne de vous, si, en faveur de la mère, vous vouliez bien pardonner au fils.

Le prince écouta Li pong ki sans l’interrompre ; puis lui adressant la parole : Jusqu’ici bien des gens, dit-il, ont intercédé pour Tchoui fa, et j’ai reçu sur cela diverses requêtes. Mais dans toutes on exagérait fort le malheur de Tchoui fa, sans dire un mot de sa faute. Il semblait, à entendre ces intercesseurs, qu’il fut plus malheureux que coupable : aussi n’ont-ils rien gagné sur moi. Vous en usez vous tout autrement : vous commencez par avouer que sa faute est grande ; c’est quelque chose. D’ailleurs je suis sensible à l’affliction de la mère, qui est si âgée : personne avant vous ne m’en a parlé. Allez ; je pardonne à Tchoui fa.


Autre exemple.


L’empereur Ouen heou conquit le pays nommé Tchong chan : au lieu d’en gratifier un frère qu’il avait, il en gratifia un de ses fils. Chacun le désapprouva intérieurement. Yo hoang fut moins réservé que les autres : il lui échappa sur-le-champ de dire que l’empereur manquait de la vertu Gin[1]. L’empereur en fut vivement choqué, et défendit à Yo hoang de paraître à la cour. Mais un ami de Yo hoang prenant adroitement la parole : Prince, dit-il, Yo hoang a tort. Mais souffrez que je vous prie de remarquer que rien ne détruit plus ce qu’il a dit, que la liberté qu’il a prise de le dire. Quand le prince manque de bonté (Gin), on ne voit pas dans un courtisan tant de franchise. Ainsi la faute de Yo hoang, telle qu’elle est, vous fait honneur. Ce tour plut à Ouen heou, et il fut permis à Yo hoang de demeurer à la cour.

Hélas ! s’écrie sur tout cela l’historien chinois, Ou tsen avait bien raison de dire, qu’un bon moyen d’apaiser un homme en colère, c’est d’entrer un peu dans ses sentiments ; et que s’y opposer directement, c’est l’irriter. Les faits que je viens de rapporter, en sont autant de preuves.

  1. Gin, bonté, charité, etc.