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Page:Du halde description de la chine volume 3.djvu/341

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Fermeté dans un ambassadeur.


Yen yng, étant encore assez jeune, et d’ailleurs d’une taille fort petite, fut envoyé par son prince le roi de Tsi, ambassadeur à la cour de Tsou. Quand il fut question d’avoir audience, on le voulut faire entrer par une petite porte, Yen yng s’arrêtant tout court : Moi, dit-il, passer par là ? Si j’étais ambassadeur dans un royaume de chiens, encore passe : mais étant ambassadeur à la cour de Tsou, je ne puis pas m’y rendre, et l’on ne devrait pas me le proposer. Ayant tenu ferme, on lui ouvrit la grande porte. Mais le roi de Tsou en fut piqué, et lui voulut faire sentir son indignation. Quoi, seigneur, lui demanda-t-il, le royaume de Tsi n’a-t-il pas un seul homme qu’on ait pu choisir pour ambassadeur ? Yen yng choqué de cet accueil, et d’un discours si méprisant, y fit une réponse à peu près semblable. Tsi ne manque pas de sages, répartit-il ; mais c’est aux sages rois qu’on les envoie. Pour moi, je sais mieux que personne, que je n’ai ni mérite, ni vertu ; mais c’est justement pour cela qu’on m’a député vers vous.

Le roi se souvint alors qu’un homme originaire de Tsi, établi à Tsou, était en prison pour avoir volé ; voulant faire affront à l'ambassadeur, et cherchant à le démonter, il fait amener cet homme tout enchaîné, et fait lire tout haut son procès : puis regardant Yen yng de côté : Les gens de Tsi, lui dit-il d’un ton moqueur, ne sont-ils pas de maîtres voleurs ?

L’arbre Kiu, reprit Yen yng sans se perdre, croît ordinairement au midi du fleuve Kiang. Tandis qu’il y est, il ne change point de nature ; il conserve sa beauté : si on le transporte au nord, aussitôt il dégénère ; et cela si notablement, que c’est tout un autre arbre, auquel on donne aussi un autre nom. Il se nomme Tchi, vous le savez, et vous n’ignorez pas aussi que si ces deux arbres ont encore quelque ressemblance par les feuilles, leurs fruits sont d’un goût tout différent. D’où vient cette différence ? C’est sans doute du terroir. L’application est facile à faire.

Le roi trouvant tant de fermeté dans Yen yng, et tant de vivacité dans ses réponses, conçut pour lui de l’estime, et lui dit en riant : Je suis vaincu ; et depuis il le traita fort bien.

Tsien yuen étant devenu magistrat de Sin ting, trouva que le feu prenait souvent dans la ville et aux environs ; ce qui causait beaucoup de dommage, et une frayeur continuelle aux habitants. Il s’informa doucement d’où cela pouvait venir. Tout ce qu’il put découvrir, fut que certain homme du lieu passait pour avoir le secret de préserver du feu ceux qu’il voulait, et que bien des gens avaient recours à lui pour ce bon office. Tsien s’étant assuré du fait : Point de feu plus dangereux, dit-il, qu’un homme qui fait profession de commander au feu à sa fantaisie. Il fit aussitôt prendre ce charlatan : il se trouva coupable de plus d’un crime. La tête lui fut coupée. Depuis ce temps-là les incendies furent aussi rares à Sin ting, que partout ailleurs.