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Page:Du halde description de la chine volume 3.djvu/343

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ont pris l’épouvante de vos menaces, se sont jetés à l’eau, et se sont noyés. Vous savez mieux que moi, quelle est la sévérité du prince qui règne, quand il s’agit de la vie des hommes : et vous n’ignorez pas non plus ce que c’est pour nous d’avoir à apaiser un peuple irrité. L’envoyé fut intimidé. Il n’exigea rien de Yang : il le traita même honnêtement ; et de peur de quelque autre accident semblable à celui qu’il croyait réel, il fut plus sage et plus retenu dans la suite.


Stratagème de guerre heureux.


Ouen ping étant gouverneur de Kiang hia, de grandes et de longues pluies firent écrouler en plusieurs endroits les murs de la ville, et pourrirent plusieurs barrières. La nouvelle vint en même temps que Sun kuen, fameux bandit, était fort proche avec une armée. Ouen sentant fort bien l’impossibilité de se fortifier en si peu de temps, ne se donna aucun mouvement. Il s’enferma dans sa chambre, et il eut soin de faire répandre à l’arrivée de Sun kuen, que depuis tant de jours le gouverneur n’avait point paru dans la ville, ni admis personne en sa présence. Une conduite si peu ordinaire donna des soupçons à Sun kuen. S’en ouvrant à ceux de sa suite : Ouen ping, leur dit-il, passe pour un homme brave, vigilant, attaché au prince. C’est pour cela même qu’on l’a fait gouverneur de cette ville. Cependant nous voici arrivés, et il n’a fait aucun mouvement ; les murailles mêmes ont plusieurs brèches ; cela n’est pas naturel. Ou il y a là-dessous quelque piège qu’on nous tend, ou bien Ouen ping est assuré qu’une armée vient à son secours. Sur cela Sun kuen se retira, et marcha d’un autre côté.


Prudence éclairée d’un mandarin.


Certain douanier de Ho yun hien s’enrichissait hardiment aux dépens de l’empereur et du public. Tout le monde le savait ; mais on n’osait le déférer. Car c’était un homme robuste et de taille avantageuse, et il avait eu soin de se faire passer pour terrible, disant lui-même assez souvent, qu’il lui coûterait peu de tuer un homme. Il n’y avait pas jusqu’aux magistrats qui ne craignissent de l’irriter. Tchin ming tao, qui s’est rendu depuis si célèbre, fut fait magistrat de ce lieu-là. Aussitôt le douanier en fut alarmé. Faisant cependant bonne contenance, il alla voir Tchin ; et prévoyant les accusations qu’on ferait de lui : Seigneur, lui dit-il, il y a ici quelques gens qui osent dire que je vole l’empereur ; vous pouvez, si vous voulez, revoir mes comptes : mais ce que je vous demande avec instance, c’est de rechercher et de punir ceux qui répandent ces faux bruits. Je ne fais pas cette recherche, parce que si j’en découvrais quelqu’un, il lui en pourrait coûter la vie ; car je vous avouerai franchement que je suis un peu violent de mon naturel, et que dans un premier transport il me coûterait peu de tuer un homme. Est-il possible ? reprit Tchin, sans s’émouvoir et en souriant ? Est-il possible qu’il y