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Page:Du halde description de la chine volume 3.djvu/344

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ait des gens soupçonneux et médisants ? Quoi ! vous qui recevez les appointements de l’empereur, vous seriez capable de le voler ? Quelle apparence ! D’ailleurs s’il en était quelque chose, tout occupé du soin d’éviter la mort, que vous sauriez mériter vous-même, vous ne parleriez pas comme vous faites, de vengeance et de massacre. Le douanier conçut fort bien à quel homme il avait affaire. Il se pressa de remplacer ce qu’il avait pris des deniers publics, et fut sur ses gardes dans la suite. Quand il quitta son emploi, ses comptes se trouvèrent nets.


Avantage d’une correction paternelle.


Hou ngan koué dans sa jeunesse était fier, orgueilleux, léger, enfin si difficile à gouverner, que son père fut obligé de l’enfermer dans une chambre. Il s’y trouva quelques centaines de bûches. Ce jeune homme n’ayant pas autre chose sur quoi décharger son feu, fit en peu de temps de toutes ces bûches autant de figures d’homme. Son père l’ayant su, fit porter dans la même chambre une bibliothèque entière : on dit qu’il y avait bien dix mille volumes. Hou ngan koué les parcourut tous ; et il a été depuis un des habiles hommes de son siècle.


Flatterie punie.


Hong vou[1], dans le commencement de son règne, haïssait les longs mémoriaux. Il en trouva un jour quelques-uns de plus de dix mille lettres. Il fut choqué de cette longueur, et témoigna vouloir punir ceux qui en étaient les auteurs. Il ne manqua pas de gens parmi ses ministres, qui entrant dans ses sentiments, l’y confirmèrent, en lui disant : Ce mémorial en effet est peu respectueux. Cet autre est rempli de médisances, Votre Majesté a raison d’en vouloir punir les auteurs. Song lien entra un moment après. L’empereur lui témoignant aussi son chagrin contre ces longs mémoriaux : Prince, dit-il, ceux qui vous ont présenté ces mémoriaux, l’ont fait pour s’acquitter des obligations de leurs charges ; et je suis persuadé qu’il n’y en a point, qui n’ait eu en vue de vous être utile. Ensuite parcourant ceux qu’on avait le plus blâmé, il en marqua les plus importants articles. Alors l’empereur trouvant qu’en effet Song lien avait raison, il fit rappeler ces ministres flatteurs, qui venaient de le quitter, et les reprenant sévèrement : Comment, leur dit-il, lâches ministres, quand vous me voyez en colère, au lieu de m’apaiser avec prudence, ou de me remontrer avec courage, vous jetez de l’huile sur le feu, et vous contribuez à m’irriter. Si Song lien en avait usé comme vous, j’allais me faire un grand tort, en punissant mal à propos des gens zélés pour mon service, et pour le bien de l’État.

  1. C'est le fondateur de la dynastie Ming. Il avait été valet de bonze.