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Page:Du halde description de la chine volume 3.djvu/379

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Comme les tables des astronomes chinois étaient imparfaites, et qu’après une certaine suite d’années, on était obligé d’y faire des corrections, qu’il s’était glissé d’ailleurs des fautes énormes dans le calendrier dressé par les astronomes, qui avaient remplacé le père Adam Schaal, on eut recours aux Européens, surtout au père Ferdinand Verbiest. Ils étaient alors chargés de neuf chaînes, et gardés très étroitement dans les prisons publiques de la ville. Feu l’empereur Cang hi, qui était encore jeune, envoya quatre Grands mandarins qui étaient colao[1], pour demander aux missionnaires s’ils reconnaissaient quelques fautes dans le calendrier chinois, tant de la présente année que de la suivante. Ces deux calendriers avaient été faits sur les anciennes tables astronomiques de la Chine.

Le Père Verbiest répondit, que les calendriers étaient remplis de fautes, et que nommément on y donnait treize mois à l’année suivante, qui était la huitième de l’empereur Cang hi. Les mandarins instruits d’une erreur si grossière, et de plusieurs autres fautes qu’on leur fit remarquer, allèrent incontinent en rendre compte à l’empereur, qui donna ordre que les Missionnaires se rendissent le lendemain matin au palais.

Le lendemain à l’heure marquée le P. Buglio, le P. Magalhaens, et le P. Verbiest furent conduits dans une grande salle du palais, où tous les mandarins du tribunal astronomique les attendaient. Ce fut en leur présence que le Père Verbiest découvrit les erreurs du calendrier.

Le jeune empereur, qui ne les avait jamais vu, les fit entrer dans son appartement avec tous les mandarins du tribunal astronomique. Il fit placer le P. Verbiest vis-à-vis de sa personne ; et le regardant d’un air serein. Savez-vous, lui dit-il, le moyen de faire voir d’une manière sensible, si le calendrier s’accorde ou ne s’accorde pas avec le ciel ?

Le Père répondit que c’était une chose aisée à démontrer ; que les instruments astronomiques qui étaient dans l’observatoire, étaient faits pour cet usage, afin que ceux qui sont occupés du gouvernement de l’État, et qui n’ont pas le loisir de s’appliquer à l’astronomie, puissent en un instant vérifier les calculs, et voir s’ils s’accordent avec le ciel. Si Votre Majesté le souhaite, poursuivit le père, qu’on mette dans l’une de ses cours un style, une chaise, et une table de la grandeur qu’on voudra, je suis prêt de calculer présentement la longueur de l’ombre que ce style fera à l’heure déterminée par Votre Majesté. Par la grandeur de l’ombre il sera aisé de conclure la hauteur du soleil, et de sa hauteur, le lieu où il est du zodiaque. De là on jugera si le lieu du soleil est bien marqué dans le calendrier pour chaque jour.

L’expédient plut à l’empereur. Il demanda aux mandarins s’ils savaient cette manière de supputer, et de prédire la longueur de l’ombre. Le mahométan répondit hardiment qu’il la connaissait, et que c’était une règle sûre pour distinguer le vrai d’avec le faux. Puis il ajouta, qu’on devait bien se donner de garde de se servir à la Chine des Européens et de leurs sciences, qui deviendraient fatales à l’empire ; et il prit de là occasion d’invectiver contre la religion chrétienne.

  1. Ministres de l'Empire.