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Page:Du halde description de la chine volume 3.djvu/380

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L’empereur changeant de visage, lui dit : « Je vous ai commandé d’oublier le passé, et de ne songer qu’à donner une bonne astronomie. Osez-vous vous emporter de la sorte en ma présence ? Vous-même ne m’avez-vous pas présenté plusieurs requêtes, afin de chercher par tout l’empire des astronomes habiles ? Il y a quatre ans qu’on les cherche, et qu’on ne les trouve pas : et voilà Ferdinand Verbiest qui entend parfaitement l’astronomie, et qui était tout à portée dans cette cour, vous ne m’en avez pas dit un seul mot. Vous ne faites que trop voir que vous êtes un homme passionné, et que vous n’agissez pas de bonne foi. » Ces paroles piquèrent extrêmement les deux gouverneurs de l’empire, protecteurs des astronomes chinois.

Ensuite l’empereur reprenant un visage serein, fit au Père Verbiest diverses questions qui concernaient l’astronomie, et il chargea les colao et les mandarins qui étaient à ses côtés, de lui déterminer un style pour supputer l’ombre.

Comme ces colao y travaillaient dans le palais même, l’astronome mahométan avoua franchement qu’il ne savait pas cette manière de calculer l’ombre. Ils en avertirent aussitôt l’empereur.

Ce prince fut si offensé de l’impudence de l’astronome, qu’il eût dessein de le faire punir sur-le-champ : mais ayant fait réflexion qu’il valait mieux différer jusqu’à ce que le ciel eût découvert son imposture en présence de ses protecteurs, il ordonna que le père ferait seul son calcul ce jour-là même, et que le lendemain les colao et les mandarins iraient à l’observatoire, pour voir précisément à midi la longueur de l’ombre au style qu’on avait préparé.

Il y avait dans l’observatoire de Peking une colonne de bronze de figure carrée, haute de huit pieds géométriques et de trois pouces. Elle était élevée sur une table de même matière, longue de dix-huit pieds, large de deux, et épaisse d’un pouce. Cette table était divisée en dix-sept pieds depuis le bas de la colonne, et chaque pied en dix parties qu’on appelle pouces, et chaque pouce en dix autres petites parties qu’on nomme minutes. Le tout était environné d’un petit canal large et profond d’un demi-doigt, creusé dans le bronze le long des bords. On remplit ce canal d’eau, pour mettre par ce moyen la table dans une situation horizontale. Cette machine servait autrefois à examiner les ombres méridiennes. Mais la colonne s’était notablement inclinée par la suite des temps, et ne faisait plus un angle droit avec la table.

Le style ayant été déterminé de huit pieds, quatre doigts et neuf minutes, le Père attacha sur la colonne une planche bien unie, et parallèle à l’horizon, précisément à la hauteur déterminée, et par le moyen d’une perpendiculaire, tirée du haut de cette planche jusqu’à la table, il marqua le point, duquel il fallait prendre le commencement de l’ombre. Le soleil était alors vers le solstice d’hiver, et faisait les ombres plus longues qu’en tout autre temps de l’année.

Après avoir fait son calcul selon les règles de la trigonométrie, il