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Page:Du halde description de la chine volume 3.djvu/381

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trouva que l’ombre du style devait être le lendemain à midi de seize pieds et six minutes et demie. Il traça une ligne transversale sur la table de bronze, pour marquer que l’ombre viendrait jusque-là, et qu’elle ne serait ni plus longue ni plus courte. Tous les mandarins se rendirent le lendemain à l’observatoire par ordre de l’empereur ; et quand il fut midi, l’ombre toucha justement la ligne que le Père avait tracée sur la table, dont ils parurent extrêmement surpris.

L’empereur prit beaucoup de plaisir au récit qu’on lui fit de cette première observation, et ordonna que le Père en recommencerait une autre le lendemain à midi dans la grande cour du palais. Les colao avertirent aussitôt le Père Verbiest ; et prenant une règle de cuivre, longue d’un pied géométrique, qu’il avait alors entre les mains, ils déterminèrent deux pieds, deux pouces, pour la longueur du style.

Quand il fut de retour à la maison, il fit son calcul ; après quoi il prépara un ais bien poli, avec un autre qui portait dessus à plomb, et qui devait servir de style. Le premier ais était divisé en pieds et en pouces, et avait trois vis, par le moyen desquelles il était facile de lui donner une situation horizontale. Il alla le jour suivant au palais avec cette machine qu’il plaça dans la grande cour, et qu’il ajusta directement au méridien, après avoir marqué par une ligne droite, tirée sur l'ais horizontal, l’extrémité de l’ombre, qui selon sa supputation devait être de quatre pieds, trois pouces, quatre minutes et demie.

Les colao et les autres mandarins nommés pour assister à l’observation, se rendirent dans le même lieu un peu avant midi. Ils formèrent un cercle autour du style, et comme l’ombre leur paraissait fort longue, parce qu’elle ne portait pas encore sur l’ais horizontal, mais à côté de la machine sur la terre, on voyait les colao qui se parlaient à l’oreille, et qui riaient ensemble, dans la persuasion où ils étaient que le Père s’était trompé.

Mais un moment avant midi que l’ombre gagna l’ais horizontal, elle se raccourcit tout à coup, et parut presque sur la ligne qui était marquée. A l’heure de midi elle tomba précisément sur la ligne. Le mandarin tartare témoignant plus que tous les autres son étonnement, s’écria : Le grand maître que nous avons ici ! Les autres mandarins ne dirent mot ; mais dès ce moment-là ils conçurent contre le Père une jalousie qui a toujours continué depuis.

On informa l’empereur du succès de l’observation, et on lui présenta même la machine, qu’il reçut favorablement. Elle était de l’invention du P. Magalhaens qui l’avait travaillé durant la nuit avec une extrême justesse.

L’empereur, pour ne pas décider trop favorablement sur une affaire qui passait dans l’esprit des Chinois pour être très délicate, voulut que le père fît le jour suivant une troisième observation dans la tour astronomique, et ordonna qu’on lui assignât un nouveau style. Il retourna donc à l’observatoire, où il fit attacher, comme la première fois, une longue règle bien polie sur la colonne de bronze à la hauteur donnée,