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Page:Du halde description de la chine volume 3.djvu/397

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L’historien fait ici une pause, en insérant
quatre vers, qui disent :


Pêcher une anguille au fond de l’eau, c’est merveille ;
Mais perdre un trésor qu’on tenait entre ses mains, et le recouvrer ensuite,
c’est une autre merveille plus grande.
O ! le charmant festin, où se fait une si douce reconnaissance !
Peut-être craignent-ils encore tous deux que ce ne soit qu’en songe qu’ils se tiennent embrassés.


Dans ces doux moments on conçoit assez à quels transports de joie le père et le fils se livrèrent. Après mille tendres embrassades, Liu s’arrachant des bras de son fils, alla se jeter aux pieds de Tchin : Quelles obligations ne vous ai-je pas, lui dit-il, d’avoir reçu chez vous et élevé avec tant de bonté cette chère portion de moi-même ? Sans vous, aurions-nous jamais été réunis ?

Mon aimable bienfaiteur, répondit Tchin, en le relevant, c’est l’acte généreux de vertu que vous avez pratiqué en me rendant les deux cens taëls, qui a touché le Ciel. C’est le Ciel qui vous a conduit chez moi, où vous avez retrouvé ce que vous aviez perdu, et que vous cherchiez vainement depuis tant d’années. A présent que je sais que ce joli enfant vous appartient, mon regret est de ne lui avoir pas fait plus d’amitié. Prosternez-vous, mon fils, dit Liu, et remerciez votre insigne bienfaiteur.

Tchin se mettait en posture de rendre des révérences pour celles qu’on venait de lui faire. Mais Liu, confus de cet excès de civilité, s’approcha aussitôt, et l’empêcha même de se pencher. Ces cérémonies étant achevées, on s’assit de nouveau, et Tchin fit placer le petit Hi eul sur un siège à côté de Liu son père.

Pour lors Tchin prenant la parole ; Mon frère, dit-il à Liu (car c’est un nom que je dois vous donner maintenant), j’ai une fille âgée de douze ans ; mon dessein est de la donner en mariage à votre fils, et de nous unir plus étroitement par cette alliance. Cette proposition se faisait d’un air si sincère et si passionné, que Liu ne crut pas devoir se servir des excuses ordinaires que la civilité prescrit. Il passa par-dessus, et donna sur-le-champ son consentement.

Comme il était tard, on se sépara. Hi eul alla se reposer dans la même chambre que son père. On peut juger tout ce qu’ils se dirent de consolant et de tendre durant la nuit. Le lendemain Liu songeait à prendre congé de son hôte ; mais il ne pût résister aux empressements avec lesquels on le retint. Tchin avait fait préparer un second festin, où il