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Page:Du halde description de la chine volume 3.djvu/398

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n’épargna rien pour bien régaler le futur beau-père de sa fille, et son nouveau gendre, et se consoler par là de leur départ. On y but à longs traits, et l’on se livra à la joie.

Sur la fin du repas, Tchin tire un paquet de vingt taëls, et regardant Liu : Mon aimable gendre, dit-il, durant le temps qu’il a demeuré chez moi, aura sans doute eu quelque chose à souffrir contre mon intention et à mon insu. Voici un petit présent que je lui fais, jusqu’à ce que je puisse lui donner des témoignages plus réels de ma tendre affection : je ne veux pas au reste qu’il me refuse.

Quoi, reprit Liu, lorsque je contracte une alliance qui m’est si honorable, et que je devrais, selon la coutume, faire moi-même les présents de mariage pour mon fils, dont je ne suis dispensé pour le présent que parce que je suis voyageur, vous me comblez de vos dons : c’en est trop ; je ne puis les accepter ; ce serait me couvrir de confusion.

Hé ! qui pense, dit Tchin, à vous offrir si peu de chose ? C’est à mon gendre, et non au beau-père de ma famille que je prétends faire ce petit présent. En un mot, le refus, si vous y persistez, sera pour moi une marque certaine que mon alliance ne vous est pas agréable.

Liu vit bien qu’il fallait absolument se rendre, et que sa résistance serait inutile ; il accepta humblement le présent, et faisant lever son fils de table, il lui ordonna d’aller faire une profonde révérence à Tchin. Ce que je vous donne, dit Tchin, en le relevant, n’est qu’une bagatelle, et ne mérite point de remerciements. Hi eul alla ensuite dans l’intérieur de la maison, pour remercier sa belle-mère. Tout le jour se passa en festins et en divertissements. Il n’y eût que la nuit qui les sépara.

Liu s’étant retiré dans sa chambre, se livra tout entier aux réflexions que faisait naître cet évènement. Il faut avouer, s’écria-t-il, qu’en rendant les deux cents taëls que j’ai trouvés, j’ai fait une action bien agréable au Ciel, puisque j’en suis récompensé par le bonheur de retrouver mon fils, et de contracter une si honorable alliance. C’est bonheur sur bonheur ; c’est comme si on mettait des fleurs d’or sur une belle pièce de soie. Comment puis-je reconnaître tant de faveurs ? Voilà vingt taëls que mon allié Tchin vient de donner. Puis-je mieux faire que de les employer à la subsistance de quelques vertueux bonzes ? C’est là les jeter en une terre de bénédictions.

Le lendemain après avoir bien déjeuné, le père et le fils préparent leur bagage, et prennent congé de leur hôte. Ils se rendent au port, et y louent une barque. A peine eurent-ils fait une demi-lieue, qu’ils approchèrent d’un endroit de la rivière, d’où s’élevait un bruit confus, et où l’eau agitée paraissait bouillonner. C’était une barque chargée de passagers, qui coulait à fond. On entendait crier ces pauvres infortunés ; Au secours, sauvez-nous ! Les gens du rivage voisin, alarmés de ce naufrage, criaient de leur côté à plusieurs petites barques, qui se trouvaient-là, d’accourir au plus vite, et de secourir ces malheureux qui