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Page:Du halde description de la chine volume 3.djvu/400

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croyez-moi, il n’y a point de temps à perdre, hâtez-vous de vous rendre à la maison pour calmer ma belle-sœur. La persécution est trop violente : le moindre délai peut causer des malheurs irrémédiables.

Liu yu consterné de ce récit, fait venir le maître de la barque : et quoiqu’il fût fort tard, il lui ordonna de mettre à la voile, et de marcher pendant toute la nuit.


Ici sont placés pour seconde pause
deux vers,
dont voici le sens :


Le cœur empressé vole au terme comme un trait ;
La barque court sur l’eau plus vite encore que la navette sur le métier d’un tisserand qui veut finir son ouvrage.


Pendant que toutes ces aventures arrivaient à Liu yu, Ouang sa femme était dans la désolation. Mille raisons la portaient à ne pas croire que son mari fût mort. Mais Liu pao, qui par cette mort prétendue devenait le chef de la maison, l’en assura si positivement, qu’enfin elle se laissa persuader, et prit des habits de deuil.

Liu pao avait un mauvais cœur, et était capable des actions les plus indignes. Je n’en doute plus, dit-il, mon frère aîné est mort, et je suis le maître. Ma belle-sœur est jeune et bien faite : ses parents sont éloignés, et elle ne peut implorer leur secours : il faut que je la force à se remarier, et au plus tôt ; il m’en reviendra de l’argent.

Aussitôt il communique son dessein à Yang sa femme, et lui ordonne de mettre en œuvre une habile entremetteuse de mariages. Mais Ouang rejeta bien loin une pareille proposition. Elle jura qu’elle voulait demeurer veuve, et honorer par sa viduité la mémoire de son mari. Son beau-frère Liu tchin l’affermissait dans sa résolution. Ainsi tous les artifices qu’on employa n’eurent aucun succès. Et comme il lui venait de temps en temps dans l’esprit, qu’il n’était pas sûr que son mari fût mort : Il faut, dit-elle, m’en éclaircir ; les nouvelles qui viennent sont souvent fausses. C’est dans le lieu même qu’on peut avoir des connaissances certaines. A la vérité il s’agit d’un voyage de près de cent lieues. N’importe, je connais le bon cœur de Liu tchin, mon beau-frère. Il voudra bien, pour me tirer de peine, se transporter dans la province de Chan si, et s’informer, si effectivement j’ai eu le malheur de perdre mon mari ; du moins il m’en apportera les précieux restes.

Liu tchin fut prié de faire ce voyage, et partit. Son éloignement rendit Liu pao plus ardent dans ses poursuites. D’ailleurs s’étant acharné au jeu durant quelques jours, et y ayant été malheureux, il ne savait plus où trouver de l’argent pour avoir sa revanche. Dans l’embarras où il se