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Page:Du halde description de la chine volume 3.djvu/407

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nos pères, et qu’ils ont exprimées dans quatre vers, dont voici la traduction :


Le Ciel est souverainement éclairé ; on ne saurait le tromper ;
Il ne commence pas à savoir les choses d’ici-bas, lorsqu'il éclate et qu’il fait savoir qu’il les sait.
La vertu et le vice ne demeurent jamais, l’une sans récompense, et l’autre sans châtiment.
Il n’est question que du temps : tôt ou tard il viendra.


Les plaintes que les gens opprimés poussent durant la vie, ou après la mort, vont au Ciel, et demandent vengeance. La vérité est quelquefois si embrouillée, que les mandarins ne peuvent la découvrir. Mais l’auguste Ciel examine tout, et voit tout très clairement. L’artifice et la fourberie fussent-ils multipliés à l’infini, il les fait servir, pour amener l’occasion favorable, où éclatent ses justes et immuables arrêts.

Aussi l’on dit communément dans le monde : les méchants sont craints, le Ciel ne l’est pas ; les gens de bien sont trompés, le Ciel ne l’est pas. On dit encore : le filet où le Ciel tient tous les hommes renfermés, est vaste et spacieux ; il fait comme s’il ne les voyait pas ; cependant nul moyen d’en échapper.

Depuis qu’il y a un gouvernement, combien de magistrats intègres, ou de juges éclairés ont paru sur la scène ! Ignoraient-ils, que le Ciel prend intérêt et veille à la vie des hommes ? Mais les passions font jouer des ressorts imperceptibles. Cent faits les plus incroyables ne laissent pas d’être vrais ; et cent autres les plus imposants n’en sont pas pour cela moins supposés.

Il suit de là que les procès en matière criminelle, même les plus justes, doivent être examinés avec une scrupuleuse attention, et à plusieurs reprises. Après quoi un juge peut ne pas craindre que ceux qu’il a condamnés, crient à l’injustice, et demandent vengeance contre lui.

Aujourd’hui dans les tribunaux, les Grands et les subalternes sont dominés par la cupidité. Ils ne cherchent qu’à s’enrichir. Il n’y a guère que les riches et les gens distingués qui puissent les satisfaire. De là il arrive que la justice avec son équitable balance ne se trouve plus chez nous, et qu’elle a été jetée dans la grande mer orientale.

Je sais fort bien qu’on peut et qu’on doit, sans de longues procédures, châtier des méchancetés notoires, qui demandent une brève justice. Je conviens même que pour les affaires de moindre conséquence, et dont on connaît les divers ressorts, il est bon de les terminer au plus tôt, et de les accommoder. Mais je ne juge pas qu’un homicide puisse jamais être pardonné, et finir par voie d’accommodement ; l’équité, la droite raison s’y opposent. Si l’accusé, qui a trempé ses mains dans le sang d’un autre, n’est pas puni de mort, les mânes de celui qui a été tué et qui demandent justice, ne seront point en repos.