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Page:Du halde description de la chine volume 3.djvu/408

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Quant aux dépositions de ces malheureux, qui dans un interrogatoire nomment des innocents pour complices de leurs crimes, c’est ce qu’on ne saurait trop examiner. On doit confronter les dépositions d’un jour avec celles d’un autre, et les éplucher avec une extrême application.

Il arrive d’ordinaire, que ces scélérats appliqués à une violente torture, et sur le point d’être condamnés aux derniers supplices, s’accrochent à tout ce qu’ils peuvent. Ils feignent de vouloir tout avouer : la calomnie ne leur coûte rien : ils accusent un innocent, sans se soucier beaucoup de perdre, non seulement un homme, mais encore une famille entière : ils ne songent qu’à se soulager eux-mêmes ; et pour y réussir, tout leur est bon.

Un juge ne doit-il pas pénétrer le fonds de leur âme, faire peu de cas de semblables accusations, et en sauvant ceux qu’on veut opprimer, se faire à lui-même un trésor de mérite, dont ses enfants et ses neveux recueilleront un jour mille bénédictions.

J’ai eu en vue dans ce préambule d’instruire et le peuple, et ceux qui ont part au gouvernement. Il est constant que la plus petite plante, le plus vil arbrisseau, tient du Ciel suprême ce qu’il a reçu de vie. Combien plus doit-on dire, qu’il est l’auteur de celle de tous les hommes, dont il est le premier père.

Ainsi le principal devoir d’un mandarin, c’est d’avoir des entrailles paternelles pour la conservation de ceux qui sont confiés à ses soins. Il doit employer les voies de douceur et de sévérité pour maintenir la tranquillité, et prévenir le désordre ; et dans toute sa conduite ne rien faire d’indigne du beau nom de père et de mère du peuple. Par là il gagnera entièrement son affection ; et cette affection éclatera par des marques d’une éternelle reconnaissance. Mais surtout l’auguste Ciel récompensera son équité, et le protégera d’une façon particulière.




HISTOIRE.


Sous la dynastie des Ming[1], un homme riche de la ville de Sou tcheou, nommé Ouang kia, était depuis longtemps l’ennemi déclaré d’un certain Li y. Il avait cherché cent fois l’occasion de le perdre, sans avoir pu la trouver. Un jour qu’il faisait un vent terrible, et qu’il pleuvait à verse, il part vers la troisième veille de la nuit, résolu de l’assassiner dans sa maison.

  1. C’est sous cette dynastie que vivait l’auteur de cette histoire.