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Page:Du halde description de la chine volume 3.djvu/409

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Ce soir-là Li y, après avoir soupé tranquillement, s’était couché, et dormait d’un profond somme avec sa femme, lorsqu’une troupe de dix brigands enfonce la porte. Ce bruit le réveille : il voit ces scélérats, le visage barbouillé de rouge et de noir, entrer tumultuairement dans sa chambre.

À cette vue la dame Tsiang, sa femme, toute effrayée se glisse dans la ruelle, et ensuite sous le lit, où elle se cache : à-demi morte de frayeur, elle aperçoit qu’un de la troupe, qui avait une grande barbe, et une large face, saisit Li y par les cheveux, et lui abat la tête d’un coup de sabre : après quoi toute la troupe, sans toucher à quoi que ce soit de la maison, sort dans le moment et disparaît.

La dame Tsiang, qui avait vu tout ce qui s’était passé, étant revenue de son extrême frayeur, sort de dessous le lit, et s’habille à la hâte : puis se tournant vers le corps et la tête coupée de son mari, elle se lamente, et pousse les plus hauts cris. Les voisins accourent en foule pour voir de quoi il s’agit. Un si triste spectacle les consterne. Ils s’efforcent néanmoins de consoler la pauvre dame toute éplorée : mais elle se refusait à toute consolation.

Vous voyez, leur dit-elle, mon mari égorgé, ne cherchez pas bien loin l'assassin ; c’est Ouang kia. Quelle preuve en avez-vous ? répliquèrent les voisins. Quelle preuve ? ajouta-t-elle. J’étais cachée sous le lit ; j’ai considéré le meurtrier. C’est Ouang kia lui-même, cet ennemi juré de mon mari : j’ai remarqué sa grande barbe et sa large face : tout barbouillé qu’il était, je l’ai bien reconnu. De simples voleurs seraient-ils sortis de la maison, sans en rien emporter ? Oui, c’est Ouang kia, qui est le meurtrier de mon mari ; j’en suis sûre. Aidez-moi, je vous en conjure ; aidez-moi à tirer vengeance de ce scélérat, et daignez m’accompagner chez le mandarin, pour demander justice, et rendre témoignage de ce que vous avez vu.

Ils lui répondirent qu’ils étaient instruits de l’inimitié qui était entre Ouang kia et son mari, et qu’ils en rendraient volontiers témoignage dans le tribunal ; que d’ailleurs c’était pour eux un devoir indispensable d’avertir le mandarin, lorsque dans le quartier il s’était fait un vol ou un meurtre ; ainsi, que dès le lendemain elle n’avait qu’à préparer une accusation, et qu’ils l’accompagneraient, lorsqu’elle irait la présenter : après quoi ils se retirèrent.

Quand ils furent partis, la dame Tsiang ferme sa porte, et passe le reste de la nuit dans les gémissements et les sanglots.

A la pointe du jour elle pria ses voisins de lui faire venir un homme qui dressât et composât l’accusation qu’elle voulait faire. Aussitôt qu’elle fût écrite, elle se met en chemin, et va droit à l’audience du mandarin. C’était justement l’heure où il tenait son audience, et où il rendait justice. La dame l’ayant aperçu, hâte le pas, et se prosternant au bas du degré de l’estrade, elle crie d’une voix lamentable, au meurtre ; à l’assassinat.

Le mandarin lui voyant en main une accusation, s’informe de ce que