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Page:Du halde description de la chine volume 3.djvu/427

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CE QUI SUIT EST EXPRIMÉ EN DEUX VERS :


Le cormoran couvert de neige, paraît noir, lorsque le faisant lever, il la secoue.
Le perroquet caché dans un saule touffu, se fait remarquer, dès qu’il commence à bégayer.


La dame Lieou ne manqua pas de se trouver à l’audience avec le vieux Liu qu’elle avait bien régalé dans sa maison. On y avait conduit adroitement Tcheou se, lequel, après avoir renoncé à sa barque, avait ouvert boutique, et était devenu marchand de toiles. Les officiers du tribunal lui avaient persuadé que leur maître voulait faire une bonne emplette : aussi entra-t-il dans la salle d’audience d’un air fort satisfait. Cependant la justice du Ciel était sur le point d’éclater.

Lors donc qu’il s’y attendait le moins, qu’il tournait çà et là la tête avec je ne sais quel air de confiance, il aperçoit le vieux Liu. A l’instant, par un mouvement d’esprits, qu’il ne lui fut pas libre d’arrêter, ses deux oreilles devinrent rouges comme du sang. Le vieux Liu de son côté l’appelle à haute voix. Hé bien ! notre maître de barque, lui dit-il, comment vous êtes-vous porté depuis le jour que je vous vendis la pièce de taffetas blanc et le panier de bambou ? Le commerce a-t-il été heureux ?

À ces questions Tcheou se baissait la tête, et ne répondait rien : mais son visage parut tout à coup comme un pied d’arbre qui sèche à l’heure même. On introduisit en même temps Hou le Tigre. Ce malheureux, après avoir trahi son maître, n’était plus retourné à la maison de Ouang. Il logeait ailleurs, comme s’il eût cessé d’être esclave. Il était venu ce jour-là à l’audience se désennuyer, et voir ce qui s’y passerait. Les Officiers du tribunal l’ayant rencontré fort à propos près de l’hôtel du mandarin : nous te cherchons, lui dirent-ils ; c’est aujourd’hui que ton maître doit être jugé ; des parents de celui qu’il a tué pressent l’affaire, et l’on n’attend plus que toi qui as été son délateur, pour le condamner au supplice que mérite son crime.

Hou le Tigre ne se possédant pas de joie, suit les officiers, et va se mettre à genoux au pied du tribunal. Dès que le mandarin l’aperçut : Connais-tu cet homme-là, lui dit-il, en montrant du doigt le vieux Liu ? Hou le Tigre, après l’avoir un peu envisagé, fut tout à coup interdit, et si troublé, qu’il ne pût dire une seule parole.

Le mandarin voyant l’embarras et le trouble de ces deux scélérats, réfléchit pendant un moment ; puis désignant de la main Hou le Tigre : Chien d’esclave, lui dit-il, qu’est-ce donc que ton maître avait fait pour comploter sa ruine avec ce batelier, et inventer une si noire calomnie ?

Rien n’est plus vrai, répliqua l’esclave. Mon maître a tué un homme ; ce n’est point un fait que j’ai supposé. Quoi ! dit le mandarin, il s’opiniâtre à soutenir ce mensonge : qu’on prenne ce scélérat, et qu’on l’applique à une rude question jusqu’à ce qu’il avoue son crime. Hou le