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Page:Du halde description de la chine volume 3.djvu/442

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il aime l’étude ; il se fera immanquablement un nom dans la littérature : sa naissance le rend déjà illustre ; il est, comme moi, du sang des rois. Voilà entre nous un rapport admirable de conditions. C’est le Ciel qui l’a conduit ici pour nous unir. Telle est notre destinée.

Il ne reste plus que le troisième empêchement. Pour ce qui regarde les bijoux et le repas des noces, c’est moi qui y pourvoirai. Crois-tu que j’aie été assez simple pour ne pas me faire un petit trésor de mes épargnes ? Tiens, voilà déjà vingt taëls ; va les offrir à ton maître ; c’est pour avoir des habits neufs ; pars au plus vite, et informe-le bien de tout ce que je viens de te dire. S’il donne son consentement, je vais tout préparer pour célébrer ce soir même la fête de notre mariage. Le valet reçut les vingt taëls, et alla rapporter tout l’entretien à Ouang sun, qui enfin donna le consentement si fort souhaité. Dès que la dame eût appris cette agréable nouvelle, elle fit éclater sa joie en cent manières. Elle quitte aussitôt ses habits de deuil, elle se pare, s’ajuste, se farde, tandis que par ses ordres on transporte le cercueil dans la vieille masure. La salle fut à l’instant nettoyée et ornée pour la cérémonie de l’entrevue et des noces. En même temps on préparait le festin, afin que rien ne manquât à la réjouissance.

Sur le soir on parfuma d’odeurs exquises le lit des nouveaux mariés : la salle fut éclairée d’un grand nombre de belles lanternes garnies de flambeaux. Sur la table du fond était le grand cierge nuptial. Lorsque tout fut prêt, Ouang sun parut avec un habit et un ornement de tête, qui relevaient beaucoup la beauté de ses traits et de sa taille. La dame vint aussitôt le joindre, couverte d’une longue robe de soie, enrichie d’une broderie très fine : ils se placèrent l’un à côté de l’autre, vis-à-vis le flambeau nuptial. C’était un assemblage charmant. Ainsi rapprochés ils se donnaient mutuellement de l’éclat l’un à l’autre, à peu près comme des pierreries et des perles rehaussent la beauté d’un drap d’or, et en paraissent plus belles.

Après avoir fait les révérences accoutumées dans une pareille cérémonie, et s’être souhaité toutes sortes de prospérités dans leur mariage, ils se prirent par la main, et passèrent dans l’appartement intérieur : là ils pratiquèrent le grand Rit, de boire tous deux, l’un après l’autre, dans la coupe d’alliance. Après quoi ils se mirent à table.

Le festin étant fini, et lorsqu’ils étaient sur le point de se coucher, il prit tout à coup au jeune époux d’horribles convulsions : son visage paraît tout défiguré, ses sourcils se froncent et s’élèvent, sa bouche fait d’affreuses contorsions : il ne peut plus faire un pas ; et voulant monter sur le lit, il tombe par terre. Là étendu tout de son long, il se frotte la poitrine des deux mains, criant de toutes ses forces qu’il a un mal de cœur qui le tue.

La dame éperdument amoureuse de son nouvel époux, sans penser ni au lieu où elle est, ni à l’état où elle se trouve, crie au secours, et se jette à corps perdu sur Ouang sun. Elle l’embrasse, elle lui frotte la poitrine où était la violence de la douleur : elle lui demande quelle est la