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Page:Du halde description de la chine volume 3.djvu/669

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pris à droite et à gauche ; comme si on les lui disputait, ou qu’il craignît qu’on ne les lui enlevât !


V.

Ne contentez par tellement votre appétit, qu’en sortant de table vous soyez pleinement rassasié : l’abondance de la nourriture tourmente l’estomac, et nuit à la digestion. Quand même vous auriez un estomac robuste et qui digère aisément, n’occupez point toute sa vigueur, laissez-lui quelques degrés de force en réserve.

Je m’explique par une comparaison. Un homme peut lever et porter un poids de cent livres ; si on ne le charge que de quatre-vingt, il n’en est pas beaucoup fatigué. Rendez le fardeau beaucoup plus pesant, et forcez-le à le recevoir sur ses épaules, ses nerfs trop tendus en souffriront, ses os ne le pourront soutenir, et après quelques pas on le verra chanceler et tomber à la renverse.

L’application est aisée à faire. Quand on s’est accoutumé à une vie sobre, l’usage des aliments est beaucoup plus profitable. C’est surtout lorsqu’on a souffert longtemps de la faim et de la soif qu’il faut savoir se modérer. Vouloir satisfaire entièrement à ce que l’un et l’autre demandent, c’est s’exposer à une maladie certaine, parce que les esprits animaux et vitaux ne pourraient suffire à leurs fonctions.


VI.

Soupez de bonne heure et sobrement. Il vaut mieux multiplier les repas, si l’on en a besoin. La coutume est qu’en été, à la cinquième et sixième lune, où les jours sont plus grands, on fasse quatre repas, l’un à son lever de grand matin ; un second à onze heures ; un troisième au déclin du soleil, et un quatrième lorsqu’on va se coucher. Dans les autres saisons trois repas suffisent.

Je voudrais qu’on fixât à peu près la quantité de riz et des autres aliments qu’on doit prendre à chaque repas, conformément à son tempérament et à son genre de vie, et qu’on s’en tînt à cette règle, se faisant une loi de ne la transgresser jamais, pas même en certaines occasions, où les mets flattent davantage le goût, et donnent envie d’en prendre plus qu’à l’ordinaire. Mais où la sobriété est le plus nécessaire, c’est au souper, qui doit être fort léger.

Généralement parlant, ne prenez point d’aliments qui soient de difficile digestion, tels que sont ceux dont la substance est gluante et visqueuse. Abstenez-vous de viandes à demi crues ou chargées de graisse, de celles qui sont apprêtées en espèce de daubes ou d’étuvée, des ragoûts trop épicés qui portent le feu dans les entrailles, des grains nouveaux qu’on aime à manger dans leur primeur, et qui ne sont salutaires que quand ils ont acquis leur parfaite maturité par la fermentation insensible, et par