Aller au contenu

Page:Duchaussois - Aux glaces polaires, Indiens et Esquimaux, 1921.djvu/175

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
162
AUX GLACES POLAIRES

Mgr Faraud, ayant à le consoler d’un vif chagrin qu’il avait ressenti d’une ingratitude, lui écrivait :

« Rien n’est petit chez vous, parce que tout prend sa source dans une exquise sensibilité et une extrême générosité. »


Ainsi doué, Mgr Taché devait être éloquent. Il le fut. Si son esprit lui fournissait les raisons qui illuminent, sa sensibilité généreuse lui inspirait les élans qui entraînent. Pectus est quod disertos facit. Il était de ceux qui professent, avec Bossuet, que « la chaleur pénètre plus avant que la lumière » et que le Dieu qui « ne regarde que le fond du cœur » attend du prêtre qu’il n’en éclaire les avenues que pour aller saisir la faculté d’aimer et de se dévouer dont le cœur est le maître, et qui, mise en action dans la volonté qu’il commande, accomplit la donation méritoire de l’âme. Là, fut le secret de tant de conversions opérées par son ministère, aussi bien que le secret de ses succès auprès des foules, pour le soutien des missions.

Les anciens de Montréal se rappellent l’impression qu’il fit, jeune évêque de l’Ouest, lorsqu’en 1861 il parut dans la chaire de Notre-Dame, afin de plaider la cause de sa cathédrale brûlée et de sa colonie de Saint-Boniface ravagée elle-même, tour à tour, par deux incendies et par l’inondation :

J’étais alors élève des Sulpiciens, dit l’un des témoins, l’honorable juge Dubuc, j’avais hâte de voir cet évêque missionnaire dont la réputation était déjà si grande. Il monta en chaire. Nous étions tout oreilles. Son texte seul valait un long sermon. Tout le monde connaissait ses malheurs. Il commença : « Transivinms per ignem et aquam, et eduxisti nos in refrigerium. — Nous avons passé par le feu et par l’eau, et vous nous avez amenés dans un lieu de consolation. » Ce texte électrisa son auditoire à un degré que je n’ai jamais vu depuis. Dans son langage éloquent, soutenu par une voix des plus sympathiques, il parla de ses chères ouailles, les métis et les sauvages, disséminés sur un vaste territoire, de ses courses apostoliques pour porter la bonne parole à ces tribus nomades, des rudes travaux des missionnaires, des calamités qui venaient d’affliger son diocèse. Puis, il dit qu’ayant reçu déjà tant d’aumônes et de services de la population charitable de Montréal, il n’avait pas eu l’intention de solliciter de nouveaux secours ; mais que des collègues et