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Page:Duchaussois - Aux glaces polaires, Indiens et Esquimaux, 1921.djvu/347

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AUX GLACES POLAIRES

Le 8 décembre suivant, le Père Petitot et le Frère Boisramé partaient pour le Grand Lac des Esclaves, laissant Mgr Grandin seul, à la Providence, avec un enfant de 13 ans (Baptiste Pépin) et deux sauvages engagés, « fort exigeants et paresseux ». Cette solitude dura huit mois, pendant lesquels l’évêque prépara le développement de la mission. Le temps que lui laissait le service des âmes, se passait à abattre des arbres, qu’il faisait équarrir par les engagés, et à les charrier ensuite lui-même sur la neige. Il n’y avait non plus d’autre blanchisseur ni raccommodeur de linge que lui. Au dégel, il bêcha et ensemença un petit jardin.

Enfin, le 18 août 1863, à 3 heures du matin, lui arrivèrent deux valeureux compagnons : le Père Grouard et le Frère Alexis.

Mgr Grandin raconte la vie intime de la communauté ainsi formée, durant l’hiver 1863-1864 :


Nous n’avons encore dans tout mon palais ni lit, ni chaise nous couchons au grenier, dans un lit aussi grand que le grenier lui-même : nous y sommes quatre à l’aise. Si nous manquons de quelque chose, ce n’est certes pas de pauvreté. Bien des objets que nous attendions de Saint-Boniface ne nous sont point arrivés. Nous manquons par conséquent d’outils pour travailler, de papier pour écrire, d’hosties pour dire la sainte messe (nous tâcherons d’en faire), et moi d’habillements pour me vêtir. Entre tous, nous n’avons ni montre ni horloge ; nous sommes tous réglementaires ; nous mangeons quand nous avons faim, nous mesurons nos oraisons et nos méditations à l’horloge dé notre ferveur, ou plutôt de ma ferveur, car c’est moi qui donne le signal : aussi, jugez comme tout se fait bien. Notre grand embarras est pour nous lever. Si le frère voit les étoiles, il est assez sûr de son coup ; mais les étoiles sont souvent voilées, et encore, quand elles paraissent, faut-il ouvrir les yeux pour les voir, et même sortir, ce qui n’est pas commode quand on couche au grenier et qu’il faut descendre par une mauvaise échelle.

    ont dû sans exception travailler de leurs mains, du matin au soir, souffrant avec cela de la chaleur, des moustiques, d’une nourriture peu substantielle, et, plus tard, des pluies d’automne et des premiers froids de l’hiver. Aujourd’hui ils n’ont cessé de souffrir ; mais leurs souffrances auront un adoucissement dans la présence de Jésus-Christ qui veut bien habiter en personne sous leur pauvre toit.

    (Signé) : Vital J., Êv. de Satala, O. M. I. ;

    E. Petitot, prêtre, O. M. I. ; Boisramé.