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ASCANIO.

destiné à devenir encore un plus grand artiste, ce qui, aux yeux de Cellini, valait infiniment mieux.

Le lendemain, le soleil se leva magnifique sur l’horizon : Benvenuto avait dès la veille prié les ouvriers de se rendre à l’atelier, bien que ce fût un dimanche, et aucun d’eux ne manqua à l’appel.

— Mes enfans, leur dit le maître, je vous ai engagés pour travailler en orfèvrerie et non pour combattre, cela est certain. Mais depuis deux mois que nous sommes ensemble, nous nous connaissons déjà assez les uns les autres pour que, dans une grave nécessité, j’aie pu compter sur vous, comme vous pouvez tous et toujours compter sur moi. Vous savez ce dont il s’agit : nous sommes mal à l’aise ici, sans air et sans espace, et nous n’avons pas nos coudées franches pour entreprendre de grands ouvrages, ou même pour forger un peu vaillamment. Le roi, vous en avez été tous témoins, a bien voulu me donner un logement plus vaste et plus commode ; mais, vu que le temps lui manque pour s’occuper de ces menus détails, il m’a laissé le soin de m’y établir moi-même. Or, on ne veut pas me l’abandonner, ce logement si généreusement accordé par le roi ; il faut donc le prendre. Le prévôt de Paris, qui le retient contre l’ordre de Sa Majesté (il paraît que cela se fait dans ce pays-ci), ne sait pas à quel homme il a affaire : du moment où l’on me refuse, j’exige ; du moment où l’on me résiste, j’arrache. Êtes-vous dans l’intention de m’aider ? Je ne vous cache point qu’il y aura péril à le faire : c’est une bataille à livrer, c’est une escalade à entreprendre et autres plaisirs peu innocens. Il n’y a rien à craindre de la police ni du guet, nous avons l’autorisation de Sa Majesté ; mais il peut y avoir mort d’homme, mes enfans.