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ASCANIO.

désennuyée la tranquillité où elle avait langui durant un siècle. Mais une table en désordre, sur laquelle se voyaient les restes d’un excellent souper éclairés par une lampe que l’on eût crue dérobée aux fouilles de Pompéia, tant sa forme était à la fois élégante et pure, attestait que si les habitans temporaires de la maison du cardinal aimaient parfois le repos, ils n’étaient nullement partisans du jeûne.

Quand Ascanio entra, quatre personnes se trouvaient dans l’atelier.

Ces quatre personnes étaient une vieille servante qui desservait, Catherine qui rallumait la lampe, un jeune homme qui dessinait dans un coin et qui attendait cette lampe que Catherine avait enlevée de devant lui, pour continuer à dessiner, et le maître, debout, les bras croisés, et appuyé contre la forge.

C’est ce dernier qu’eût aperçut tout d’abord quiconque fût entré dans l’atelier.

En effet, je ne sais quelle vie et quelle puissance émanaient de ce personnage étrange et attiraient l’attention même de ceux qui eussent voulu la lui refuser. C’était un homme maigre, grand, vigoureux, de quarante ans à peu près : mais il faudrait le ciseau de Michel-Ange ou le pinceau de Ribeira pour retracer ce profil fin et énergique ou pour peindre ce teint brun et animé, pour rendre enfin tout cet air hardi et comme royal. Son front élevé s’ombrageait de sourcils prompts à se froncer ; son regard, net, franc et incisif, jetait parfois des éclairs sublimes ; son sourire, plein de bonté et de clémence, mais avec des plis quelque peu railleurs, vous charmait et vous intimidait en même temps ; de sa main, par un geste qui lui était familier, il caressait sa barbe et ses moustaches noires ; cette main