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ASCANIO.

n’était pas précisément petite, mais nerveuse, souple, allongée, industrieuse, serrant bien, et avec tout cela fine, aristocrate, élégante, et enfin dans sa façon de regarder, de parler, de tourner la tête, dans ses gestes vifs, expressifs sans être heurtés, jusque dans l’attitude nonchalante qu’il avait prise quand Ascanio entra, la force se faisait sentir : le lion au repos n’en était pas moins le lion.

Quant à Catherine et à l’apprenti qui dessinait, ils formaient entre eux le contraste le plus singulier. Celui-ci, sombre, taciturne, au front étroit et déjà ridé, aux yeux à demi clos, aux lèvres serrées ; celle-là gaie comme un oiseau, épanouie comme une fleur, et dont les paupières laissaient toujours voir l’œil le plus malin, dont la bouche même montrait sans cesse les dents les plus blanches. L’apprenti, enfoncé dans son coin, lent et langoureux, semblait économiser ses mouvemens ; Catherine allait, tournait, virait, ne restant jamais une seconde en place, tant la vie débordait en elle, tant cette organisation jeune et vivace avait besoin de mouvement à défaut d’émotions.

Aussi était-ce le lutin de la maison, une vraie alouette par la vivacité et par son petit cri vif et clair, menant enfin avec assez de prestesse, d’abandon et d’imprévoyance, cette vie dans laquelle elle entrait à peine pour justifier parfaitement le surnom de Scozzone que le maître lui avait donné, et qui en italien signifiait alors et signifie encore aujourd’hui quelque chose comme casse-cou. Du reste, pleine de gentillesse et de grâce, dans toute cette pétulance d’enfant Scozzone était l’âme de l’atelier ; quand elle chantait on faisait silence, quand elle riait on riait avec elle, quand elle ordonnait on obéissait, et cela sans mot dire, son caprice ou sa fantaisie n’était pas d’ailleurs or-