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ASCANIO.

Un geste terrible et majestueux accompagna cette phrase suspendue un instant, car François Ier avait aperçu son artiste qui se tenait modestement près de la porte.

— Mais s’il veut la guerre, reprit-il, par mon Jupiter ! dont Benvenuto vient m’apporter des nouvelles, je jure qu’il l’aura sanglante, terrible, acharnée. Eh bien ! Benvenuto, mon Jupiter, où en est il ?

— Sire, répondit Cellini, je vous en apporte le modèle, de votre Jupiter ; mais savez-vous à quoi je rêvais en vous regardant et en vous écoutant ? Je rêvais à une fontaine pour votre Fontainebleau ; à une fontaine que surmonterait une statue colossale de soixante pieds, qui tiendrait une lance brisée dans sa main droite, et qui appuierait la gauche sur la garde de son épée. Cette statue, sire, représenterait Mars, c’est-à-dire Votre Majesté : car en vous tout est courage, et vous employez le courage avec justice et pour la sainte défense de votre gloire. Attendez, sire, ce n’est pas tout : aux quatre angles de la base de cette statue, il y aura quatre figures assises, la poésie, la peinture, la sculpture et la libéralité. Voilà à quoi je rêvais en vous regardant et vous écoutant, sire.

— Et vous ferez vivre ce rêve-là en marbre ou en bronze, Benvenuto ; je le veux, dit le roi avec le ton du commandement, mais en souriant avec une aménité toute cordiale.

Tout le conseil applaudit, tant chacun trouvait le roi digne de la statue, et la statue digne du roi.

— En attendant, reprit le roi, voyons notre Jupiter.

Benvenuto tira le modèle de dessous son manteau, et le posa sur la table autour de laquelle venait de se débattre la destinée du monde.