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ASCANIO.

mon caractère fussent épargnés par l’infâme que n’avaient pas arrêté votre beauté et votre bonne grâce.

— Oh ! dit Anne, je ne pense qu’à vous, et quant à mon injure personnelle, le roi, qui est vraiment trop indulgent pour ces insolens étrangers, m’a priée de l’oublier, et je l’oublie.

— S’il en est ainsi, madame, la prière que nous avions à vous faire serait sans doute mal accueillie, et nous vous demandons la permission de nous retirer sans vous la dire.

— Comment, messire d’Estourville, ne suis-je pas vôtre en tout temps et quoi qu’il arrive ? Parlez ! parlez ! ou je me fâche contre un si méfiant ami.

— Eh bien ! madame, voilà ce dont il s’agit. J’avais cru pouvoir disposer en faveur du comte de Marmagne de ce droit de logis dans un des hôtels royaux que je tenais de votre munificence, et naturellement nous avons jeté les yeux sur l’hôtel de Nesle, tombé en de si mauvaises mains.

— Ah ! ah ! fit la duchesse. Je vous écoute avec attention.

— Le vicomte, madame, avait accepté d’abord avec le plus vif empressement : mais maintenant, avec la réflexion, il hésite, il songe avec effroi à ce terrible Bennvenuto.

— Pardon, mon digne ami, interrompit le vicomte de Marmagne, pardon, vous expliquez fort mal la chose. Je ne crains pas Benvenuto, je crains la colère du roi. Je n’ai pas peur d’être tué par ce rustre italien, pour parler comme parle madame, fi donc ! Ce dont j’ai peur, c’est pour ainsi dire de le tuer, et que mal ne m’advienne d’avoir privé notre sire d’un serviteur auquel il paraît tenir beaucoup