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ASCANIO.

pouvoir manifester sa rage ! Ah ! ah ! ah ! j’en rirai longtemps. Mais, bon Dieu ! qu’est-ce que j’entends-là ? Ces éclats de voix… ce fracas.

— Serait-ce le damné qui s’ennuie du Purgatoire ? dit le prévôt reprenant espoir.

— Je voudrais bien voir cela, dit la duchesse toute pâle ; venez donc avec moi, mes maîtres, venez donc.

Benvenuto, résigné pour les raisons que nous avons vues à faire sa paix avec la toute-puissante favorite, avait dès le lendemain de sa conversation avec le Primatice pris le petit vase d’argent doré rançon de sa tranquillité, et soutenant sous le bras Ascanio, bien faible et bien pâle de sa nuit d’angoisses, s’était acheminé vers l’hôtel d’Étampes. Il trouva d’abord les valets qui refusèrent de l’annoncer de si bonne heure à leur maîtresse, et il perdit une bonne demi-heure à parlementer. Cela commença déjà à l’irriter fort. Isabeau enfin passa et consentit à prévenir madame d’Étampes. Elle revint dire à Benvenuto que la duchesse s’habillait et qu’il eût à attendre un peu. Il prit donc patience et s’assit sur un escabeau, près d’Ascanio, qui, brisé par la marche, par la fièvre et par ses pensées, ressentait quelque faiblesse.

Une heure se passa ainsi. Benvenuto se mit à compter les minutes. Mais, après tout, pensait-il, la toilette d’une duchesse est l’affaire importante de sa journée, et pour un quart d’heure de plus ou de moins je ne vais pas perdre le bénéfice de ma démarche. Cependant, malgré cette réflexion philosophique, il commença de compter les secondes.

En attendant, Ascanio pâlissait : il avait voulu taire ses souffrances à son maître et l’avait héroïquement suivi sans