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Scène V.

MONALDESCHI, tous les courtisans.
MAGNUS DE LA GARDIE entre avec Steinberg.

Avez-vous vu, baron ? il vient de déposer
Devant nous sur la main de la reine un baiser ;
Il ne se cache plus ; sa victoire est complète ;
Un baiser sur la main !…

LE BARON DE STEINBERG.

Un baiser sur la main !… Ce n’est pas d’étiquette,
J’en conviens.

MAGNUS DE LA GARDIE, à Sentinelli.

J’en conviens. Vous l’avez peut-être aussi vu, vous ?

SENTINELLI, d’un air sombre.

Oui.

PIMENTEL.

Oui. Guême, nous pouvons rendre grâce à genoux
Au ciel. À nous servir je crois que Dieu s’applique.
Le marquis sera roi ; c’est un bon catholique.

GUÊME.

Mais d’où vient qu’on reçoit ici l’ambassadeur
De Portugal ?

PIMENTEL.

De Portugal ? Celui de milord protecteur
S’y trouve bien.

OXENSTIERN, montant avec les trois autres vieillards derrière le trône.

S’y trouve bien. Amis, reprenez votre place
Près du trône. Aujourd’hui, du fardeau qui vous lasse,
À qui doit le porter nous remettrons le poids.
Placez-vous, mes amis, pour la dernière fois.

MAGNUS, à Sentinelli.

Regardez donc, il a sur le velours du trône
Déjà posé le pied.

SENTINELLI.

Déjà posé le pied. Pour mettre la couronne,
Dites-moi, croyez-vous, baron, qu’il ôtera
Son chapeau qu’avec nous il garde ?

LE BARON DE STEINBERG.

Son chapeau qu’avec nous il garde ? Il le devra !
Les grands d’Espagne seuls, lorsqu’ils sont en présence
Du roi gardent le leur ; — c’est un droit de naissance !

STEINBERG.

Mon oncle, la comtesse Ebba doit-elle ici
Accompagner la reine ?

LE BARON DE STEINBERG.

Accompagner la reine ? Oui, sans doute.

STEINBERG.

Accompagner la reine ? Oui, sans doute. Merci !…

LE BARON DE STEINBERG.

Elle est dame d’honneur. Beau titre !

STEINBERG.

Elle est dame d’honneur. Beau titre ! Oh ! peu m’importe.

(La porte de la reine s’ouvre ; un huissier paraît.)
SENTINELLI.

Voilà sa Royauté qui vient par cette porte,
Messieurs, à tout espoir il nous faut dire adieu !

UN HUISSIER, annonçant.

Le prince Palatin, Charles-Gustave.

MONALDESCHI, tressaillant.

Le prince Palatin, Charles-Gustave. Dieu !…
L’héritier présomptif !…

SENTINELLI.

L’héritier présomptif !… Oh ! pour une couronne
Ils sont deux maintenant. Un de trop.

LE BARON DE STEINBERG, s’avançant.

Ils sont deux maintenant. Un de trop. Près du trône,
Altesse, l’étiquette a marqué votre rang.

CHARLES-GUSTAVE.

J’y vais monter avec la reine.

MONALDESCHI, d’une voix sourde.

J’y vais monter avec la reine. Tête et sang !


Scène VI.

Les précédents ; CHRISTINE, suivie du COMTE DE BRAHÉ, qui porte le globe royal, et du COMTE DE GORLZ, qui porte la main de justice.
UN HUISSIER.

La reine !

CHRISTINE.

La reine ! À tous, salut ! que Dieu nous ait en garde,
Car c’est nous aujourd’hui que le monde regarde.
Il tournera les yeux vers d’autres dès demain.
Prince Charles-Gustave, offrez-moi votre main…

(Elle monte quelques marches du trône.)

Et restez là. — Messieurs, ce jour aura, j’espère,
Un heureux résultat. — Le croyez-vous, mon père ?

MAGNUS, s’inclinant.

Reine, nous en avons tous la conviction.

CHRISTINE.

Comte, nous acceptons votre démission
De grand trésorier.

MAGNUS.

De grand trésorier. Quoi ! j’aurais pu vous déplaire ?

CHRISTINE, à Steinberg.

Je vous fais chevalier de l’Étoile polaire,
Steinberg.

STEINBERG.

Steinberg. Ô Majesté !

CHRISTINE.

Steinberg. Ô Majesté ! Vous avez le cordon
De l’Aigle de Suède.

STEINBERG.

De l’Aigle de Suède. Ô Majesté !

CHRISTINE, regardant Gondemar.

De l’Aigle de Suède. Ô Majesté ! Qu’est-ce donc !
Dans mon palais d’Upsal l’envoyé de Bragance !
Comte de Gondemar, c’est par trop d’arrogance.
Bragance se méprend en nous traitant d’égal :
Philippe Quatre seul est roi de Portugal.

(À l’ambassadeur de Cromwell.)

Monsieur de Whitelock, dites à votre maître
Que Christine aujourd’hui devant tous fait connaître
L’alliance signée avec lui. — Pour milord,