Page:Dumas - Œuvres - 1838, vol.2.djvu/362

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

lippe, mon seul ami, mon seul parent. Mon frère égorgé ! noyé ! mon frère sur la grève ; malédiction ! il me faut justice, il me faut son assassin, que je l’égorge, que je le foule aux pieds. Son assassin, Savoisy, le connais-tu ?

SAVOISY.

Mais tu es insensé !

GAULTIER.

Non, je suis maudit ; mon grade, mon sang, mon or à qui me le nommera. Monsieur de Marigny, prenez-y garde, c’est tous qui m’en répondez ; vous êtes le gardien de la ville de Paris ; pas une goutte de sang ne s’y verse par un meurtre qu’elle ne vous tache. Où est la reine ? je veux voir la reine, je veux voir Marguerite ; Marguerite me fera justice. Mon frère ! mon frère !

(Il se précipite vers la porte du fond.)
SAVOISY.

Gaultier, mon ami…

GAULTIER.

Je n’ai pas d’ami ; je n’avais qu’un frère, il me faut mon frère vivant ou son assassin mort. Marguerite ! Marguerite ! — (Il secoue la porte.) C’est moi, c’est moi, ouvrez !

UN CAPITAINE.

On ne passe pas.

GAULTIER.

Moi ! moi ! je passe, laissez-moi… Marguerite, mon frère ! — (Les gardes le prennent à bras le corps et l’éloignent ; il tire son épée.) Il faut que je la voie, je le veux. — (Il est désarmé par les gardes.) Ah ! ah ! malédiction ! — (Il tombe et se roule.) Ah ! mon frère, mon frère !!!




Tableau 4


La taverne d’Orsini ; décors du premier acte





Scène IV


ORSINI seul, puis MARGUERITE.
ORSINI.

Allons, il paraît qu’il n’y aura rien à faire ce soir à la tour de Nesle : tant mieux, car il faudra bien que ce sang versé retombe un jour sur quelqu’un, et malheur à celui qui sera choisi de Dieu pour cette expiation ! — (On frappe, il se lève.) Aurais-je parlé trop tôt ? — (On frappe encore.) Qui va là ?

MARGUERITE, en dehors.

Ouvrez, c’est moi.

ORSINI.

La reine !… — (Il ouvre.) Seule à cette heure ?

MARGUERITE, s’asseyant.

Oui, seule et à cette heure ; c’est étrange, n’est-ce pas ? mais ce qui m’arrive est étrange aussi. Écoute, n’a-t-on pas frappé ?

ORSINI.

Non.

MARGUERITE.

Il faut que tu me cèdes cette chambre pour une demi-heure.

ORSINI.

La maison et le maître sont à vous ; disposez-en.

(On frappe.)
MARGUERITE, se levant.

Cette fois-ci l’on a frappé.

ORSINI.

Voulez-vous que j’ouvre ?

MARGUERITE.

Ce soin me regarde, laissez-moi seule.

ORSINI.

Si la reine a besoin de moi, son serviteur sera là.

MARGUERITE.

C’est bien. Que le serviteur se rappelle seulement qu’il ne doit rien entendre.

ORSINI.

Il sera sourd, comme il sera muet.

(Il sort. — On frappe.)
MARGUERITE.

Est-ce vous ?

BURIDAN.

C’est moi.