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Page:Dumas - Joseph Balsamo, Lévy frères, 1872, volume 5.djvu/261

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— Voilà qui est différent… Tu demandes, alors ?

— Je demande…

— Pourquoi ?

— Pour faire une chose de ce que tout à l’heure vous avez nommé un mot.

— Soit. Tu veux te venger ?

— Noblement, je le crois.

— Je n’en doute pas ; mais cruellement, est-ce vrai ?

— C’est vrai.

— Combien te faut-il ?

— Il me faut vingt mille livres.

— Et tu ne toucheras pas à cette jeune femme ? dit Balsamo, croyant arrêter Gilbert par cette question.

— Je ne la toucherai pas.

— Son frère ?

— Non plus ; son père non plus.

— Tu ne la calomnieras pas ?

— Je n’ouvrirai jamais la bouche pour prononcer son nom.

— Bien, je te comprends. Mais c’est tout un, de poignarder une femme avec le fer, ou de la tuer par des bravades continuelles… Tu veux la braver en te montrant, en la suivant, en l’accablant de sourires pleins d’insulte et de haine.

— Je veux si peu faire ce que vous dites, que je viens vous demander, au cas où l’envie me prendrait de quitter la France, un moyen de passer la mer sans qu’il m’en coûte.

Balsamo se récria.

— Maître Gilbert, dit-il de sa voix à la fois aigre et caressante, qui ne contenait cependant ni douleur ni joie ; maître Gilbert, il me semble que vous n’êtes pas conséquent avec votre étalage de désintéressement. Vous me demandez vingt mille livres, et sur ces vingt mille livres vous n’en pouvez prendre mille pour vous embarquer ?

— Non, monsieur, et cela pour deux raisons.

— Voyons les raisons ?

— La première, c’est que je n’aurai effectivement pas un