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Page:Dumas - La salle d'armes 2 Pascal Bruno, Dumont, 1838.djvu/103

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LA SALLE D’ARMES.

tude, sur cette plage, dans le sable, émurent plus fortement Murat que n’avaient pu le faire ses propres infortunes. De grosses larmes vinrent au bord de ses yeux et coulèrent silencieusement sur sa face de lion. En ce moment le général Nunziante rentra, et le surprit les bras tendus, le visage baigné de pleurs. Murat entendit du bruit, se retourna, et voyant l’étonnement du vieux soldat : — Oui, général, lui dit-il, oui, je pleure. Je pleure sur cet enfant de vingt-quatre ans, que sa famille m’avait confié, et dont j’ai causé la mort ; je pleure sur cet avenir vaste, riche et brillant, qui vient de s’éteindre dans une fosse ignorée, sur une terre ennemie, sur un rivage hostile. Ô Campana ! Campana ! si jamais je remonte sur le trône, je te ferai élever un tombeau royal !

Le général avait fait préparer un dîner dans la chambre attenante à celle qui servait de prison au roi : Murat l’y suivit, se mit à table, mais ne put manger. Le spectacle auquel il venait d’assister lui avait brisé le cœur ; et cependant cet homme avait parcouru sans